La fin semble n’avoir jamais été aussi proche pour Jet Airways. La compagnie indienne a cloué vingt-cinq nouveaux avions au sol depuis le début du mois d’avril, incapable de régler leurs loyers. En parallèle, elle a annoncé l’arrêt de tous ses vols internationaux, notamment ceux, couverts par des accords avec Air France-KLM, vers Paris (vers Bombay et Chennai), Amsterdam et Toronto au moins jusqu’au 15 avril.
Selon la presse indienne, elle n’exploitait plus que quatorze appareils le 12 avril (contre plus d’une centaine au début de l’année), ce qui devrait lui interdire tout vol international, la réglementation indienne imposant d’avoir une flotte d’au moins vingt avions pour pouvoir sortir des frontières. La direction générale de l’aviation civile (DGCA) doit maintenant statuer sur sa capacité à poursuivre ce qui lui reste d’opérations.
Pour autant, elle continue de chercher une échappatoire. La State Bank of India, qui mène le consortium de créanciers devenus actionnaires de Jet Airways et ayant poussé le fondateur et président Naresh Goyal vers la sortie, a proposé la mise en vente de jusqu’à 75% des actions de la compagnie. Elle a en effet désespérément besoin d’un nouvel investisseur, étant à court de liquidités et croulant sous une dette de plus d’un milliard d’euros. Les expressions d’intérêt devaient être formulées avant le 12 avril.
Comment le symbole de l’essor du transport aérien indien a vacillé
Jet Airways a été créée en 1992 par Naresh Goyal et a réalisé son premier vol l’année suivante. C’est elle qui a brisé le monopole d’Indian Airlines (sur le réseau domestique) et d’Air India (à l’international), rencontrant un grand succès grâce à son service soigné. Des ambitions peut-être trop grandes et la crise de 2008 l’ont toutefois vite fragilisée. Alors qu’elle s’était engagée sur des gros-porteurs, avec des livraisons rapides, puis qu’elle a racheté Air Sahara et dû gérer une fusion compliquée, les prix du pétrole se sont mis à flamber. Or le carburant est très taxé en Inde, ce qui pénalise déjà les compagnies lorsque le cours se trouve à un niveau raisonnable. De même, les infrastructures sur place ne pouvaient pas nécessairement suivre l’essor du transport aérien indien, qui s’est accéléré avec l’apparition des compagnies low-cost. Jet Airways en est souvent venue à louer ses long-courriers à d’autres compagnies (notamment Turkish Airlines).
Aujourd’hui encore, le marché indien est dynamique mais le transport aérien doit compter avec une taxation très lourde, des règles contraignantes, autant de facteurs de coûts alors que le marché reste très sensible au prix et que les tarifs des billets d’avion sont très bas. Trop bas pour couvrir les dépenses d’une compagnie comme Jet Airways, qui a bien tenté de lutter contre les low-cost avec Jetlite.
Déjà en difficulté en 2013, elle a profité d’une belle bouffée d’air grâce à la décision d’Etihad de prendre 24% de participation dans son capital. Mais cela n’a pas suffi à enrayer le déclin et les parts de marché ont peu à peu été rognées par SpiceJet et IndiGo. En 2018, elles n’étaient qu’à 15,5%.
Aujourd’hui, la situation est bien pire. Les lessors, qui possèdent l’essentiel de sa flotte, n’ont plus confiance en la capacité de Jet Airways de rebondir : dans le dernier communiqué annonçant que dix appareils supplémentaires étaient immobilisés, les discussions et leur soutien n’est plus évoqué. Plusieurs ont même entrepris la démarche de faire rayer les appareils du registre indien.