L’aviation d’affaires a fait preuve d’une belle résilience dans cette crise liée à la pandémie de covid, devenant la seule option fiable pour se déplacer. Si, comme toutes les industries, elle a accusé le coup au moment où la crise a éclaté, elle a réussi à rebondir assez rapidement et connaît une reprise en V. C’est ce que constate également VistaJet, qui a personnellement pu constater une hausse du nombre de ses abonnements de 29% en 2020. Simon Rochefort, vice-président France responsable des ventes de VistaJet, nous parle des bouleversements que la société a vécus cette année et de ses perspectives.
Comment VistaJet a-t-elle vécu l’année qui vient de passer ?
Nous avons connu une baisse très significative en avril mais nous avons assuré quasiment 50% des vols que nous faisions à n-1, ce qui est incroyable. Alors que voler à cette époque-là était extrêmement difficile. C’est l’avantage d’être un opérateur mondial et d’aller dans autant de pays au monde : nous avons simplement continué de voler là où c’était possible et là où nos clients ont décidé d’aller. Aujourd’hui, nous sommes revenus au niveau d’avant-crise et je crois que l’aviation d’affaires a démarré son âge d’or. Car, dans les événements malheureux que connaît l’aviation commerciale, on n’a jamais autant voulu utiliser un jet qu’aujourd’hui.
Comment a évolué votre clientèle avec la crise ?
Statistiquement, avant la pandémie, seuls 10% des prospects de notre cible, capables de se payer des vols en jet, le faisaient. Pour plein de raisons, culturelles, budgétaires… La pandémie a changé un bon nombre de priorités et il nous reste à découvrir qu’elle est cette nouvelle part de clientèle qui se décide à voler en jet. Nous n’avons qu’un certain nombre d’éléments de réponse en ce moment et nous les aurons au fur et à mesure que les mois s’égrènent.
Le profil des vols effectué est resté le même : un mix entre vols d’affaires et vols de loisirs car nous faisons voler les grands décideurs de la planète et il est très rare de les trouver en vacances pures. Mais cela pourrait évoluer. Les voyages d’affaires vont prendre le pas parce que bon nombre de PDG et propriétaires de sociétés ont aujourd’hui d’immenses difficultés à réaliser leurs voyages professionnels en aviation commerciale. Beaucoup de lignes n’existent plus et perdre une demi journée, une journée voire deux pour aller jusqu’à destination, c’est totalement inenvisageable et c’est une perte d’efficacité qui est inacceptable. Ce sont des gens qui ont besoin d’une efficacité extrême dans leurs déplacements et aujourd’hui le moins que l’on puisse dire c’est que voler commercial est devenu un sacerdoce.
Et avec les restrictions, avez-vous constaté une modification des destinations demandées ?
En pleine période de restrictions mondiales, l’essentiel de nos destinations habituelles étaient interdites à nos passagers. Il nous a fallu innover et nos passagers et nos clients ont innové aussi, en allant dans des destinations inhabituelles. Je n’ai jamais autant organisé de vols au Brésil, en Afrique du Sud et en Nouvelle-Zélande que lors de ces premiers confinements. Nous allions dans les pays qui acceptaient des passagers sous des conditions autres que leur provenance ou leur passeport. Par exemple dans les destinations de villégiature, nous n’avons jamais autant été aux Maldives qu’à l’hiver 2020 parce que les Maldives étaient une espèce de paradis sanitaire où l’on pouvait s’isoler dans des conditions uniques et la seule condition pour entrer était de présenter un test PCR négatif, ce qui était acceptable.
Image © VistaJet
Qu’avez-vous dû changer dans vos services ?
Nous avons vécu une révolution sanitaire. Nos process n’ont plus rien à voir avec ce qu’ils étaient pré-pandémie. Commençons par nos équipages : en 2020 ils se faisaient tester par un PCR tous les trois jours lorsqu’ils étaient en shift. Par ailleurs, nous avons dû organiser dans tous les pays où nous volons dans le monde la désinfection de nos cabines avec des produits équivalents à ceux utilisés dans les hôpitaux avant chaque vol passager.
Nous avons également lancé le service Private World, qui permet à nos clients d’organiser aussi leur hébergement lors d’un voyage. Cela nous a permis d’organiser des passerelles sanitaires de l’aéroport de départ à la chambre d’hôtel, où nous contrôlions absolument tout le process sanitaire dans les taxis, dans nos jets et dans la chambre d’hôtel, où nous nous assurions que tous les interlocuteurs, les autorités, les lieux dans lesquels ils allaient passer respectaient un certain nombre de normes sanitaires. C’était incroyablement rassurant pour nos clients mais il est sûr que ça a complètement changé notre façon de faire.
Va-t-il être difficile de fidéliser la nouvelle clientèle ?
Aujourd’hui, 71% des requêtes que nous recevons viennent de gens qui ne volaient pas privé ou très peu avant la pandémie. En plus des gens qui découvrent, nous avons beaucoup de gens qui volaient localement en jet et transcontinental en aviation commerciale, qui abandonnent maintenant l’aviation commerciale et cherchent des solutions transcontinentales en jet.
Je pense qu’il n’y aura pas de souci pour les fidéliser parce que la plus grande marche, c’est d’accepter la différence budgétaire. Une fois que vous avez goûté à l’aviation privée, il est très difficile de s’en passer parce que le niveau de service, même comparé aux classes les plus exceptionnelles en aviation commerciale, est très supérieur en aviation privée. Nous offrons une facilité et un outil de performance opérationnelle inégalable pour nos clients. Le fait de ne plus avoir de connexions, c’est déjà un avantage incroyable pour un voyage d’affaires. Le fait de pouvoir embarquer à bord d’une de nos avions dans à peu près n’importe quel aéroport du monde en moins de dix minutes tout en respectant toutes les conditions de sécurité et de contrôle aux frontières, c’est un gain d’efficacité absolument extraordinaire. Le fait d’avoir du wifi quasi équivalent à l’adsl, de pouvoir dormir la nuit de façon confortable… Nous offrons un certain nombre de services qui permettent à nos clients de performer comme jamais.
Comment voyez-vous les prochains mois ?
Nous nous attendons à être encore plus occupés qu’avant la crise à partir de cet été au niveau mondial. Mais il faut garder à l’esprit que la reprise est déjà là aux Etats-Unis : il y a des jours où vous n’y trouvez plus un seul jet à louer alors que l’ensemble de la flotte des jets américains représente 50% de l’ensemble des jets volant au monde. Ils ont une avance sur beaucoup de pays en matière de vaccination et de liberté de mouvements. Cela me fait dire que nous allons vivre la même chose à partir du mois de juillet et du moment où le passeport sanitaire sera mis en vigueur.
Nous avons d’ailleurs prévu d’augmenter notre flotte et avons passé une commande pour douze avions, Challenger et Global 7500. L’arrivée de machines comme le Global 7500, capable de voler 15h30, c’est vraiment l’outil parfait pour le déconfinement de la planète parce que nos clients ont besoin de cette autonomie exceptionnelle.
VistaJet a réceptionné ses deux premiers Global 7500 de Bombardier au début du mois d’avril. Image © VistaJet
Y a-t-il des caractéristiques spécifiques au marché français
En France, nous sommes probablement au-dessous de la statistique des 10%, que j’ai évoquée. Comme quelques pays européens, la France est assez en retard sur les déplacements en jets mais elle va connaître le même mouvement que le reste de la planète. Les conseils d’administration, les compagnes d’assurance et les organismes dirigeants de n’importe quelle société française vont tout faire pour protéger leurs dirigeants et faire en sorte qu’ils soient le plus efficaces possible en respectant les nouvelles conditions sanitaires. Donc le voyage en jet va connaître le même essor en France et je le vois dans les requêtes que je reçois.
Qu’est-ce qui différencie VistaJet de ses concurrentes ?
Le plus important, ce qui nous permet d’être tout à fait uniques, c’est que nous sommes propriétaires de nos avions. Nous ne demandons pas à nos clients d’acheter une part d’avion, nous ne sous-louons pas nos machines, nous sommes les seuls propriétaires de nos 72 avions. Il y a toute une série de conséquences à cela. Nous sommes les seuls à décider ce qui se passe à bord et comment nos avions sont utilisés. Notre réactivité à organiser des vols est exceptionnelle puisque nous garantissons la disponibilité d’un avion en 24h au départ d’Europe et il nous arrive quasiment tous les jours d’organiser des vols en moins de douze heures. La façon de les opérer et de les gérer est la plus efficace possible, nous n’avons pas à demander à un propriétaire privé s’il est d’accord pour louer sa machine à une tierce personne, si son identité, sa nationalité lui conviennent, s’il a un chien, s’il fume… Chez nous, tout est possible, on sait s’occuper de tout le monde.
Cela nous permet également d’avoir un service beaucoup plus raffiné : nous avons pu designer l’intérieur de nos avions de la même manière sur nos 72 avions quelle que soit leur taille, nous avons même un parfum à bord de toutes nos cabines, que vous soyez à Shanghai ou à New York, nous avons une façon unique de proposer des menus à bord. Toutes nos hôtesses sont formées par notre système interne de formation, puisque ce sont nos salariées et non pas des personnes qu’on contractualise pour la mission, et elles ont toutes reçu des principes d’oenologie par exemple, ce qui est vraiment important lorsqu’on veut pousser le service.
Cela nous a aussi permis de placer des avions sur quatre continents et nous sommes les seuls à voler dans plus de 180 pays par an. Forcément, nous avons acquis des connaissances opérationnelles que personne d’autre n’a.
Image © VistaJet