« D’ici fin mai, la plupart des compagnies mondiales seront en faillite. » Cette affirmation formulée par CAPA dans sa dernière analyse est totalement confirmée par l’IATA. Dans une nouvelle présentation liée à la crise du covid-19 publiée le 17 mars, l’association annonce que les trois quarts des compagnies ont moins de trois mois de liquidités pour couvrir leurs coûts. Elles devraient avoir besoin d’une aide globale atteignant entre 150 et 200 millions de dollars pour survivre aux semaines à venir.
Rappelant que seule une trentaine de compagnies étaient en bonne santé financière, l’IATA a également souligné que la plupart de ses membres avait un niveau de dettes élevé et des échéances de remboursement qui pourraient précipiter leur chute. Brian Pearce, chief economist de l’association, précise que, en moyenne, les compagnies ont débuté 2020 avec deux mois de liquidités, une moyenne qui s’applique dans toutes les régions. Ces réserves vont être rapidement dilapidées puisque les flottes sont clouées au sol, ne générant plus de chiffre d’affaires, et les avions qui volent encore sont à moitié vide, en raison de l’absence de demande et des mesures sanitaires appliquées en cabine.
Le scénario évoqué le 5 mars d’un manque à gagner de 113 milliards de dollars dans la pire des situations a donc volé en éclat. La crise a pris une tournure que personne n’imaginait alors : rien qu’en Europe, Transavia France, Brussels Airlines, Austrian Airways, LOT, airbaltic ont suspendu leurs opérations, quand les autres compagnies ont réduit de 80% à 90% leur programme de vols pour s’adapter à la fois à la désertion des passagers et aux restrictions de voyage imposées de façon unilatérale par les différents pays. La situation se détériore tout aussi rapidement dans le reste du monde.
Alexandre de Juniac, le directeur général de l’IATA, a bien accueilli les premières mesures de soulagement annoncées, notamment par l’Europe et les Etats-Unis, avec la levée de la règle des 80% d’utilisation des slots. Les compagnies demandent toutefois que la suspension soit prolongée jusqu’à la fin de la saison été – actuellement, elle est valable jusqu’à la fin du mois de mai aux Etats-Unis et jusqu’à la fin du mois de juin en Europe.
L’IATA demande par ailleurs que la crise du covid-19 soit reconnue comme situation exceptionnelle par l’Union européenne donc que la directive EU261 (sur la compensation des passagers dont le voyage est annulé) ne s’applique pas.
Mais cela ne suffira pas. L’IATA demande également un effort des aéroports avec une réduction des charges appliquées. Aéroports de Paris a déjà fait un geste en faveur des compagnies en ne facturant plus les frais de parking des appareils immobilisés sur ses plateformes, tout en lançant un nouveau plan de réduction des coûts pour lui aussi faire face à la crise.
Mais le gros de l’effort viendra certainement des gouvernements. L’association leur demande « d’éviter une catastrophe industrielle » en soutenant financièrement les compagnies aériennes, directement, par des prêts ou des garanties sur les prêts (pour lever les réticences des banques à étendre les lignes de crédit) et par des réductions des taxes (par exemple celles appliquées spécifiquement au transport aérien ou les charges sociales). L’Italie a déjà agi avec un programme de soutien à ses aéroports et de nationalisation d’Alitalia. La Suède et le Danemark ont également convenu de soutenir SAS avec des garanties sur 3 milliards de couronnes (270 millions d’euros), en précisant qu’il s’agissait d’un premier pas.
« Le temps est un facteur essentiel. Les gouvernements ne peuvent pas adopter une approche attentiste. Nous avons vu à quel point et à quelle vitesse la situation s’est détériorée dans le monde entier. Ils doivent agir maintenant et de manière décisive », commente Alexandre de Juniac. Le cabinet CAPA prévient quant à lui que les aides ne doivent pas profiter uniquement aux compagnies nationales ou avec un fort pouvoir de lobbying (comme aux Etats-Unis), au risque de se retrouver avec un transport aérien profondément modifié en sortant de la crise et considérablement appauvri de ses compagnies privées, avec une concurrence très réduite.