A l’heure où les frontières se ferment et les pays se replient sur eux-mêmes, le cargo aérien représente l’une des dernières ouvertures sur le monde et le garant d’un minimum de continuité dans les échanges. Le secteur du fret aérien est particulièrement sollicité en ce moment, alors même qu’une grande partie des capacités a disparu, les soutes des avions passagers n’étant plus disponibles. Les compagnies s’organisent donc et les appels à faciliter leurs opérations se multiplient.
Cependant, les restrictions imposées par les gouvernements sur le transport aérien peuvent interférer. C’est pourquoi l’IATA a lancé un appel auprès des gouvernements et de l’Europe dès le début de la crise pour que les équipages cargo soient exemptés de quarantaine, pour que les droits de trafic soient plus facilement accordés et que le cargo soit exclu des restrictions, en tant qu’activité stratégique dans la lutte contre l’épidémie. L’association, soutenue par l’ACFA (Air Cargo France Association), demande également la levée des « obstacles économiques tels que les redevances de survol et les restrictions relatives aux créneaux ».
Carsten Spohr, le président de Lufthansa, l’a rappelé dans son intervention du 19 mars : « la demande en cargo augmente chaque jour, les avions sont pleins. » Il a expliqué que 50% des capacités de transport de fret du groupe sont représentées par la flotte d’avions tout cargo, qui comprend vingt et un Boeing 777F (sept chez Lufthansa Cargo et quatorze chez AeroLogic) et six MD-11F.
L’autre moitié des capacités est constituée par les soutes de 350 appareils. « Il ne serait pas réaliste de tous les faire voler pour maintenir les capacités mais nous sommes prêts à utiliser une partie de nos flottes A330, A350 et 747-8, qui ont des capacités de 40 à 60 tonnes pour soutenir les chaînes d’approvisionnement dans le cadre du pont aérien si besoin. » Etant en train de s’organiser sur le plan social pour soutenir ces opérations, le groupe envisage également la possibilité de recourir à des prestataires.
D’autres ont déjà franchi le pas. C’est le cas de Qantas, qui utilise certains appareils de transport de passagers pour soutenir sa flotte tout cargo, de Korean Air ou de Cathay Pacific. Même American Airlines s’y prépare. La compagnie américaine prévoit d’utiliser des 777-300ER pour transporter du fret entre les Etats-Unis et l’Europe. Le premier vol est prévu pour le 20 mars et doit relier Dallas à Francfort – il s’agit du premier vol cargo qu’elle réalise depuis le retrait de son dernier 747 cargo en 1984.
Cette pression sur les capacités intervient après une année difficile pour le fret aérien, marquée par une baisse de la demande de 3,3% et une hausse des capacités de 2,1%. L’IATA avait souligné en février que 2019 avait été la pire année pour le secteur depuis 2019, notamment en raison des tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis. Celles-ci s’étant apaisées à la fin de l’année, l’association avait un temps espéré que 2020 serait meilleure…