L’enquête sur l’accident du Boeing 737 MAX de Lion Air ne fait que démarrer, mais déjà une multitude d’informations ont commencé à circuler seulement 48 heures après la lecture des données du FDR (Flight Data Recorder) la semaine dernière. L’appareil de la compagnie indonésienne s’était abîmé en mer de Java seulement 13 minutes après son décollage de Soekarno-Hatta (Jakarta) le 29 octobre dernier, tuant tous ses occupants (181 passagers et 8 membres d’équipages).
On sait depuis les premiers jours que l’appareil avait connu des indications de vitesse et d’altitude divergentes, mais il semble aussi qu’une des deux sondes d’incidence (AoA) soit devenue inopérante, l’avionneur révélant alors à la communauté aéronautique, pilotes compris, via un bulletin de service qu’une nouvelle protection avait fait son apparition sur la dernière génération de 737 avec le MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System). Ce dispositif, qui vient s’ajouter au traditionnel STS (Speed Trim System), agit aussi sur le compensateur de plan horizontal, mais cette fois dans le but de réduire de façon automatique l’angle d’incidence en cas de détection de décrochage.
Avant toute chose, il est nécessaire de rappeler qu’à ce stade, rien de permet de relier le MCAS ou un problème de sonde d’incidence à la catastrophe de l’appareil de Lion Air. Les enquêteurs du Comité indonésien de la sécurité des transports (KNKT) continuent leur travail et la publication du rapport préliminaire de l’accident est attendue avant le mois de décembre. Le CVR (Cockpit Voice Recorder) reste par ailleurs pour l’instant introuvable, les équipes de recherche de l’agence Basamas ayant indiqué que le boitier attenant à l’enregistreur n’émettait plus aucun signal depuis une semaine.
En revanche, l’existence de la protection MCAS, peut-être contributive à la perte du 737 MAX, pose un certain nombre de problèmes qui inquiètent de nombreux experts et pilotes. Tout d’abord, cette protection n’a jamais été portée à la connaissance des équipages qualifiés sur ce type d’appareil, ce qui est particulièrement étonnant tant ce dispositif peut influencer la trajectoire de l’appareil en agissant directement sur les commandes de vol. Le MCAS est activé automatiquement une fois les volets rétractés et à condition que le pilote automatique soit désengagé. Il agit alors sur le trim si l’angle d’incidence (du vent relatif) dépasse une certaine valeur en fonction de la vitesse et de l’altitude. Le plan horizontal peut alors s’orienter vers le haut à un taux de rotation de 0,27 degré par seconde jusqu’à un angle de 2,5 degrés (10 secondes).
Selon Boeing, les pilotes peuvent contrer cette protection en utilisant le curseur de trim mais le MCAS continuera à agir cinq secondes plus tard si les conditions d’incidence restent hors de l’enveloppe permise. La seule façon d’empêcher alors l’action du MCAS est de complètement désactiver le compensateur automatique à l’aide des deux switchs protégés, comme pour le STS.
Le MCAS est apparu sur la famille 737 MAX pour venir pallier l’excédent de portance apporté par les nacelles de LEAP-1B dans certaines conditions d’incidence, les nacelles étant beaucoup plus volumineuses que celles des CFM56-7B (et non pas à cause de la masse plus importante de réacteurs, comme on peut le lire çà et là, les moteurs étant évidement situés en amont du centre de gravité pour ce type d’appareil).
Reste aussi à comprendre comment est alimenté le MCAS en données d’incidence, la famille 737 n’étant traditionnellement équipée que de deux alpha vannes de part et d’autre du poste de pilotage (contre trois par exemple sur la famille A320), ce qui amène évidemment une nouvelle problématique au niveau de la ségrégation des données anormales. Il est en effet très peu probable que les deux sondes aient indiqué toutes les deux un angle d’incidence caractéristique d’un décrochage. A suivre…