Les différentes annonces d’IndiGo des dernières semaines n’ont pas manqué de soulever des questions sur l’ampleur de la transformation de la compagnie. Et Pieter Elbers, son CEO, a été sur tous les fronts durant l’assemblée générale annuelle de l’association internationale du transport aérien (IATA), notamment pour expliquer qu’IndiGo restait une low-cost, mais faisait évoluer ses produits pour suivre les évolutions dans la population indienne et poursuivre son développement naturel.
« Les Airbus A350 ne sont qu’une nouvelle étape logique de notre développement », affirme-t-il. IndiGo a en effet été créée comme une compagnie low-cost, avec la vocation de démocratiser le transport aérien en Inde. La compagnie s’est appuyée pour cela sur une flotte uniquement composée d’Airbus de la famille A320. Pour participer pleinement au projet du gouvernement de développer le transport aérien dans le pays et désenclaver ses régions, elle a également acquis des ATR en 2017, pour les routes sur lesquelles la demande ne justifie ni ne rentabilise l’utilisation d’un A320. Exploitant 45 ATR42-600 aujourd’hui et attendant encore la livraison de cinq biturbopropulseurs, elle envisage d’ailleurs de moderniser et agrandir sa flotte en passant une nouvelle commande importante d’avions régionaux (une centaine).
Ce modèle n’a pas vocation à disparaître et « le domestique va continuer à croître » – IndiGo a déjà une part de marché de plus de 60 % en Inde. En revanche, il a déjà évolué avec le lancement de vols internationaux dans les régions autour de l’Inde. Avec l’arrivée de l’A321XLR en 2025, une nouvelle phase de développement débutera, permettant à IndiGo d’élargir encore son rayon d’action et d’atteindre des destinations plus lointaines en Asie et même en Europe. L’introduction des A350 est simplement considéré comme une étape supplémentaire dans l’expansion de ce rayon d’action. Pieter Elbers reconnaît toutefois qu’elle amènera une modification du modèle puisque l’exploitation de ces long-courriers ne peut se faire de manière rentable qu’en transportant aussi du cargo – une activité totalement exclue jusqu’à il y a peu puisqu’elle ne permet pas de réaliser une touchée de 25 minutes mais à laquelle IndiGo se forme depuis octobre 2022 avec ses trois A321P2F.
Quant au manque de renommée d’IndiGo en dehors de l’Inde, la low-cost est en train d’y remédier. Elle a en effet conclu plusieurs accords de partage de code stratégiques qui lui permettent de se faire connaître dans des pays encore trop lointains pour ses appareils, par exemple avec Air France-KLM et avec Japan Airlines depuis deux jours.
L’introduction à venir d’une classe affaires dans les monocouloirs s’inscrit un petit peu dans la même logique d’évolution mais se cale cette fois sur celle de la société indienne. Pieter Elbers explique en effet qu’une classe moyenne est en train de monter en puissance : elle représentait 31 % de la population en 2020 et en représentera 47 % en 2030. Ces personnes ont un pouvoir d’achat qui augmente, sont avides de voyager et souhaitent le faire dans de meilleures conditions. La classe affaires s’adresse ainsi à ce type de passagers et aux voyageurs d’affaires : elle sera installée sur les vols les plus demandés, sur les liaisons comptant le plus grand nombre de fréquences (comme la navette entre les deux hubs de New Delhi et Mumbai) et les plus empruntées pour les voyages d’affaires. Mais l’essentiel des vols restera fidèle au modèle low-cost. « Nous ne nous éloignons pas de notre vocation première, nous ajoutons un étage à l’édifice », conclut le CEO d’IndiGo.
En plus de ses trente A350, la compagnie vient de passer une commande géante de 500 Airbus de la famille A320neo, ce qui a pour conséquence qu’elle a près d’un millier d’avions en commande qui doivent lui être livrés jusqu’au milieu de la prochaine décennie, « au rythme moyen d’un avion par semaine ». Elle devrait doubler de taille d’ici 2030, pouvant s’appuyer sur le programme indien de développement des infrastructures aéroportuaires et notamment l’ouverture des nouveaux aéroports de Delhi (Jewar, à la fin de l’année) et de Mumbai (Navi, en 2025). Pieter Elbers n’a pas pour autant l’impression que la machine s’emballe. « L’Europe a connu sa période de croissance forte puis cela a été au tour de la Chine et c’est maintenant le tour de l’Inde. Mais si IndiGo a connu beaucoup de succès, nous ne considérons pas cela comme acquis », déclare Pieter Elbers. Un directeur de la transformation vient d’être nommé pour auditer les procédures et les usages de la compagnie, et déterminer comment faire les choses de la façon la plus efficace possible. « Ce n’est pas parce que quelque chose ne fonctionne pas, c’est parce que nous avons besoin d’accélérer », affirme-t-il.