La pandémie de covid-19 a coûté en quelques jours 80% de son activité au transport aérien européen, tandis que la philosophie de libre circulation derrière l’espace Schengen semble avoir été temporairement oubliée. Programmes de vols en lambeaux, aéroports partiellement fermés, passagers refoulés, licenciements temporaires ou non par milliers, le transport aérien se trouve dans une situation sans précédent qui va nécessiter des mesures tout aussi extraordinaires pour sauver ce qui peut l’être. Plusieurs initiatives ont déjà été prises de façon isolée par des organismes ou certains Etats pour soutenir le secteur mais les grandes institutions se mettent elles aussi en ordre de bataille.
L’IATA a réagi très rapidement, dès le début de la crise, en demandant la suspension de la règle sur l’utilisation des créneaux aéroportuaires pour éviter les vols fantômes – cette règle oblige les compagnies à utiliser 80% de leurs créneaux si elles veulent les conserver pour la saison suivante. Un appel que la Commission européenne a entendu et pour lequel elle a passé une législation le 13 mars : le principe est suspendu de mars à juin 2020 et rétroactivement étendu aux mois de janvier et février pour les créneaux concernant des vols vers la Chine et Hong-Kong. La FAA a pris une décision similaire le 11 mars, dans laquelle la suspension court jusqu’au 31 mai. Les acteurs du transport aérien souhaitent cependant que cela soit allongé jusqu’à la fin de la saison été (soit fin octobre).
Les trois grandes alliances se sont elles aussi unies pour demander d’une seule voix un soutien des gouvernements pour « évaluer tous les moyens possibles pour aider l’industrie aérienne pendant cette période sans précédent », alors que « les compagnies aériennes repoussent leurs limites pour gérer la crise ».
Les gouvernements français et néerlandais ont affirmé qu’ils étaient prêts à soutenir le groupe Air France-KLM. L’Italie a déjà décidé de ses mesures de soutien au transport aérien italien, qui pourraient atteindre un montant de 600 millions d’euros, dont la majorité servira à maintenir Alitalia à flots et à la nationaliser, au travers de la création d’une nouvelle société contrôlée par l’Etat, directement ou indirectement. La Norvège aussi a déjà supprimé sa taxe sur les passagers pour dix mois et annoncé un report du paiement des charges aériennes dans son premier package de soutien. Norwegian demande par ailleurs une aide financière rapide, sa survie n’étant plus qu’une question de semaines désormais.
« C’est un problème d’aujourd’hui, et non d’un problème de demain. Il nécessite une action urgente », Nicholas E. Calio, président et CEO d’Airlines for America
L’Europe, désormais l’épicentre de l’épidémie, n’est pas la seule à s’affoler et les compagnies américaines, par la voix d’Airlines for America (A4A), réclament des mesures d’assistance immédiate, s’inquiétant de voir « l’impact de l’épidémie s’aggraver de jour en jour » – bien que les compagnies américaines semblent mieux armées financièrement que leurs partenaires européennes pour affronter la crise. « L’environnement économique actuel n’est tout simplement pas viable. Cette situation est aggravée par le fait que la crise ne semble pas avoir de fin en vue. » Elles réclament « des subventions, des prêts, des allègements fiscaux ».
Partout, les compagnies comptent sur le soutien des aéroports et demandent une révision des « redevances et les droits d’atterrissage afin d’atténuer la pression financière qu’elles subissent. » Si l’ACI Europe apporte son soutien total à la suspension de la régulation sur les slots, elle rappelle que « cette nécessaire focalisation sur le long terme s’accompagne de sacrifices à court terme pour les aéroports », selon Olivier Jankovec, le directeur général de l’association. On a vu les aéroports italiens réduire drastiquement leur activité la semaine dernière ou le groupe ADP annoncer la fermeture d’Orly 2, du satellite S4 et du terminal 2G de Roissy cette semaine. Il demande donc à ce que les aéroports ne soient pas oubliés dans les futures mesures qui seront adoptées. Airlines for Europe (A4E) le rejoint par ailleurs dans la demande qu’un minimum de connectivité puisse être maintenu, conformément aux indications de l’OMS, notamment pour permettre les transports de fret, essentiels dans la crise sanitaire.
Au-delà des appels à l’aide, quelques associations et organismes ont pris des mesures à leur échelle pour soutenir le secteur. L’APRA (Association des défenseurs des droits des passagers) a indiqué que l’épidémie de Covid-19 devait « être considérée comme une circonstance extraordinaire » et a décidé de suspendre toutes les demandes d’indemnisation liées. « Nos membres ont déjà commencé à refuser de manière proactive les demandes d’indemnisation des passagers aériens liées au COVID-19. […] La crise actuelle du Coronavirus a échappé à tout contrôle raisonnable pour les compagnies aériennes et doit être qualifiée de force majeure », estime sa présidente Adeline Noorderhaven.
En attendant, le monde s’est confiné lui aussi. Les frontières se sont fermées les unes après les autres, avec une accélération depuis la décision des Etats-Unis le 11 mars, y compris à l’intérieur de l’Europe où leur ouverture est censée être protégée au sein de l’espace Schengen. Pour tenter de sauver le marché intra-européen, la Commission européenne a annoncé la fermeture des frontières de l’Union pour trente jours, avec le maintien de la libre circulation en son sein pour éviter les pénuries.