Cela aurait pu être l’occasion d’une grande célébration mais la situation sanitaire en a décidé autrement. Qantas fête aujourd’hui son centenaire, dans des conditions qu’elle aurait eu peine à imaginer ne serait-ce qu’il y a un an. Si les festivités ont été considérablement réduites, la compagnie a tout de même maintenu un survol du port de Sydney à basse altitude et un passage près de Rose Bay, d’où partaient les Short Empire de la compagnie dans la fin des années 1930.
Qantas (alors nommée Queensland and Northern Territory Aerial Services) a en effet été créée le 16 novembre 1920 par deux vétérans de l’armée de l’air australienne, Hudson Fysh et Paul McGinness, et l’homme d’affaires Fergus McMaster, avec l’objectif de surmonter la « tyrannie de la distance » qui gênait la croissance de l’Australie.
Quatre-vingt-dix-neuf ans après, la compagnie ne voyait plus qu’un obstacle à abattre dans cet objectif, celui des vols directs vers Londres et New York – le projet Sunrise. « Avant que la covid ne nous interrompe, nous travaillions sur des vols sans escale de la côte Est vers New York et Londres – la dernière frontière de l’aviation », a indiqué Alan Joyce, le CEO du groupe. « Pendant la majeure partie de cette année, c’est la distance entre Melbourne et Sydney (ou toute autre de nos capitales) qui a constitué un défi. Pour la première fois depuis une centaine d’années, les frontières des États sont hermétiques. »
Le centenaire de Qantas est ainsi davantage marqué par le renoncement que par l’allégresse. Le projet Sunrise a été mis en pause, alors que plusieurs vols d’essai avaient été réalisés à l’occasion de livraisons de Boeing 787-9 pour évaluer les effets de ce type de vol ultra long sur l’équipage et les passagers. La compagnie avait par ailleurs avancé sur la flotte dédiée à ces vols spécifiques puisqu’elle avait choisi l’A350-1000. Une commande pour une douzaine d’appareils modifiés (avec une masse maximale au décollage augmentée pour permettre l’installation d’un réservoir de carburant additionnel) devait être signée au mois de mars pour une entrée en service en 2023. Elle a été reportée sine die.
Alors que le retrait de la flotte de 747 a été achevé en juillet, celle d’A380 a été clouée au sol et mise en stockage à long terme à Victorville (Etats-Unis). Elle était pourtant en plein programme de réaménagement de ses cabines et la moitié de ses douze appareils avait été mise aux nouveaux standards. Leur retour en vol est désormais très incertain. Alan Joyce avait affirmé il y a quelques mois que les A380 pourraient rester immobilisés trois ans, le niveau de la demande risquant de rester insuffisant pour les réactiver avant cela, s’ils étaient jamais remis en service.
Le CEO de Qantas s’attache désormais à voir les signes positifs. « Maintenant que l’Australie s’ouvre, nous sommes prêts à voler à nouveau », a-t-il déclaré. Et dans un entretien avec le Financial Times, il a indiqué que la compagnie devrait arrêter de brûler de la trésorerie d’ici Noël, échéance à laquelle elle devrait avoir restauré au moins la moitié de ses capacités.
La réouverture progressive des frontières intérieures est en effet engagée en Australie, alors que l’épidémie semble sous contrôle – malgré une résurgence dans l’Etat d’Australie méridionale qui est très surveillée et pourrait l’exclure de cette évolution. Les frontières extérieures restent fermées mais des négociations sont en cours avec plusieurs pays à risque faible (comme la Nouvelle-Zélande et le Japon) pour créer des « bulles » de voyage. Or Alan Joyce constate que toute réouverture de frontière provoque une hausse de la demande, hausse à laquelle Qantas est prête à répondre, la concurrence de Virgin Australia s’étant affaiblie avec sa mise en faillite au début de la crise. La compagnie pourrait ainsi s’arroger 70% de parts de marché sur le secteur domestique, selon ses déclarations au Financial Times, soit dix points de plus qu’avant la crise, alors que ce marché représente les deux tiers de ses bénéfices. Il estime aussi que l’une des modifications qui interviendra dans le comportement des passagers après la crise sera de privilégier les vols directs – ce qui permettrait de relancer le projet Sunrise.
Reste que les derniers mois ont été difficiles. Avec la fermeture des frontières intérieures, ses capacités sur le marché intérieur ont chuté à 25% de leur niveau d’avant la pandémie et la politique très stricte de l’Australie en termes de restrictions de déplacement a fait que ce marché n’a pas encore redécollé, contrairement à ce qu’il s’est passé en Chine ou en Russie, ou la reprise a été impressionnante. Qantas a quant à elle dû mettre un place un plan d’économies drastique, qui a vu le licenciement et la mise en chômage partiel de près de 25 000 collaborateurs.