Des compagnies aériennes en bonne santé, un environnement économique porteur, un carburant à un niveau raisonnable, le secteur cargo qui reprend du poil de la bête, une très bonne année question sécurité… 2017 semble à première vue tout ce qu’il y a de plus calme dans le transport aérien. Mais elle a tout de même connu son lot de déconvenues et de faillites, de difficultés et de réussites. Retours sur les grands événements qui ont ponctué la vie des compagnies aériennes ces derniers mois.
La débâcle d’Etihad en Europe
La stratégie d’Etihad consistant à investir dans différentes compagnies aériennes pour tisser des partenariats renforcés partout dans le monde a montré ses limites en Europe. Après s’être acharnée à redresser Air Berlin, Alitalia, Darwin et Air Serbia, Etihad a décidé de jeter l’éponge. Le premier échec spectaculaire a été celui d’Alitalia : l’ultime plan de restructuration présenté ayant été rejeté par les syndicats au mois de mai, Etihad a annoncé la suspension des injections de cash. La compagnie italienne est de nouveau en vente et de nouveau maintenue en vol par le gouvernement italien qui avait pourtant juré de ne plus mettre un euro dedans.
En juillet, c’est Darwin qui a été lâchée par son actionnaire émirati. Bien que reprise par Adria Airways (sous le nom d’Adria Airways Switzerland), elle a peu à peu perdu ses contrats avec les ex-filiales d’Etihad puis son certificat de transporteur et a dû suspendre ses vols fin novembre.
Etihad a enfin décidé d’arrêter les frais avec Air Berlin également (voir plus bas). La stratégie de partenariats est la source de près de la moitié des pertes d’Etihad en 2016. Un constat qui a coûté sa place à James Hogan, l’ancien CEO du groupe.
Air Berlin fait faillite et entraîne Niki avec elle
Si la faillite menaçait Air Berlin depuis longtemps, la décision d’Etihad d’arrêter de perdre de l’argent dans le puits sans fond qu’était devenue la compagnie allemande l’a poussée dans la tombe. Le 15 août, Etihad n’a pas même officialisé la suspension de son soutien financier que la compagnie allemande s’est déclarée insolvable. La décision était prévisible et Lufthansa n’a pas caché à ce moment qu’elle était déjà en négociations avec sa concurrente pour reprendre une partie de ses actifs. Le tollé soulevé auprès des compagnies concurrentes (Ryanair en tête) n’a pas empêché le groupe de négocier une offre de reprise de 81 appareils – dont ceux des filiales Niki et LGW -, de slots et de personnel. Les réticences de la Commission européenne ont toutefois pris le dessus et Lufthansa a abandonné la partie prévoyant la reprise de Niki. La compagnie autrichienne, pourtant en bonne santé, a dû se déclarer en faillite à son tour le 14 décembre. Elle cherche désormais un repreneur et la partie semble se jouer entre IAG, Thomas Cook et Niki Lauda, son fondateur, notamment.
En ce qui concerne le reste des actifs d’Air Berlin, 25 A320 et un millier de membres du personnel navigant ont été intégrés à easyJet, qui a ainsi eu accès à des slots à Tegel.
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Air France crée Joon
Après des mois de négociations tendues avec son personnel navigant au sujet d’un nouveau projet ayant Boost pour nom de code, Air France annonce en juillet qu’elle attend un heureux événement pour l’automne : Joon. La nouvelle filiale du groupe a étudié son identité de marque et son produit pour parler aux millenials en priorité. Malgré le recours aux pilotes d’Air France, elle opère avec des coûts réduits, sans être low-cost, en augmentant la productivité du personnel et en opérant avec des PNC qui ne profitent pas des conditions Air France. L’objectif est de transférer vers Joon les lignes qu’Air France ne parvient pas à rentabiliser. Si son modèle provoque parfois l’incompréhension, elle va désormais pouvoir faire ses preuves : elle a débuté ses vols le 1er décembre sur le moyen-courrier et se lancera sur le long-courrier en 2018.
L’essor du low-cost long-courrier sur les DOM
Les liens entre la France métropolitaine et ses départements d’outre-mer ont toujours attiré les acteurs français du transport aérien et pas une seule compagnie dotée d’appareils long-courrier n’a omis de se placer sur le marché : Air France, Air Caraïbes, Corsair et XL Airways s’y livrent une concurrence acharnée. Sur les Antilles, comme sur La Réunion. XL Airways avait déjà ouvert la voie au low-cost sur ces routes et elle a été suivie par French blue sur La Réunion au mois de juin. Mais d’autres compagnies lorgnent sur ces lignes où la demande est forte. Norwegian n’attend que de recevoir de nouveaux 787 pour pouvoir s’y placer et LEVEL, la filiale low-cost du groupe IAG, a annoncé en novembre l’ouverture d’une base à Orly en 2018, à partir de laquelle ses A330 commenceront par desservir la Guadeloupe et la Martinique.
A noter que French blue travaille également à se positionner sur la collectivité d’outre-mer qu’est la Polynésie. La ligne Orly – Papeete sera lancée en 2018, avec une escale à San Francisco qui devrait coûter son nom à la compagnie soeur d’Air Caraïbes : pour éviter tout conflit avec une compagnie américaine, elle a déposé sa demande auprès du département américain des transports sous la marque provisoire de French.
Qatar Airways sous embargo
Début juin, l’assemblée générale de l’IATA s’ouvre sur une scène de théâtre : Akbar Al Baker quitte brusquement Cancun pour rentrer à Doha. Plusieurs pays viennent en effet d’annoncer qu’ils coupaient toutes leurs relations diplomatiques avec le Qatar. A leur tête, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et le Yémen, qui accusent l’émirat de soutenir le terrorisme et lui reprochent sa proximité avec l’Iran. Pour Qatar Airways, les conséquences sont immédiates. La fermeture des espaces aériens de ses voisins l’oblige à suspendre une vingtaine de lignes et à modifier les routes de ses vols vers l’Europe et l’Afrique, les allongeant parfois de façon importante. La situation coûte cher à la compagnie qui a annoncé dès la fin de l’été qu’elle enregistrerait des pertes cette année, notamment en raison de ce blocus.
Le PED ban bouleverse les opérations
Mars 2017. Les services secrets américains sont informés d’une potentielle menace terroriste représentée par les appareils électroniques emportés par les passagers en cabine, qui pourraient contenir des explosifs non détectables par les équipements des aéroports. Le 20 mars, l’administration Trump réagit en interdisant aux passagers de dix aéroports turcs et arabes voyageant vers les Etats-Unis d’emporter des appareils électroniques plus grands qu’un smartphone en cabine et laisse quatre jours aux compagnies aériennes pour mettre en place les mesures adéquates. Quelques jours après, le Royaume-Uni impose des mesures similaires à l’encontre de six pays – pas forcement les mêmes. Ces décisions provoquent un tollé, l’IATA dénonçant leur caractère unilatéral et soudain, s’inquiétant de sa possible extension aux pays européens et certains y voyant davantage une mesure protectionniste du pays. Mais surtout, elle a créé une nouvelle menace en termes de sécurité, liée à la multiplication en soute de batteries lithium-ion potentiellement instables. Le PED ban a été progressivement levé au mois de juillet, avec la mise en place de nouvelles mesures de sécurité dans les aéroports concernés.
Le 1er A380 retiré du service
Après dix ans de bons et loyaux services, le tout premier A380 à être entré en service commercial est mis à la retraite. MSN003, opéré par Singapore Airlines depuis octobre 2007 sous l’immatriculation 9V-SKA, a été restitué à son lessor Dr Peters en novembre, qui le stocke désormais chez Tarmac Aerosave à Tarbes. Les cinq premiers A380 de la compagnie singapourienne doivent ainsi quitter le service à l’expiration de leur contrat de leasing, remplacés par de nouveaux appareils.
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Le bond en avant du confort à bord
2017 aura également été marquée par de grandes avancées en matière de confort à bord en classe affaires. La montée en gamme des compagnies américaines en est un exemple, avec la mise en service des suites Delta One par Delta Air Lines – une version personnalisée des fauteuils Vantage XL de Thompson Aero Seating – ou de Polaris par United – une cabine dessinée avec Acumen et produite par Zodiac Aerospace. Mais c’est à Qatar Airways que l’on doit l’un des aménagements les plus innovants, avec la mise en service de la QSuite sur 777 au mois de juin (conçue par Qatar Airways et produite par BE Aerospace). Garantissant une intimité importante grâce à ses panneaux coulissants, elle permet également de créer un grand espace de socialisation pour deux voire quatre personnes lorsqu’on abaisse ces panneaux, le tout dans l’atmosphère luxueuse chère à la compagnie.
En première classe, c’est Singapore Airlines qui a fait sensation, avec ses nouvelles suites sur A380. Dessinées par le studio Jacques Pierrejean et produites par Zodiac Aerospace, elles doivent permettre au passager de se sentir dans l’avion comme dans une chambre d’hôtel. L’un des moyens d’y arriver a été de doter chacune des six suites d’un fauteuil et un lit (escamotable) séparés. Les deux premières suites de chaque allée peuvent être reliées pour permettre aux couples de voyager ensemble.
Retournement sur le marché des pilotes
Cela faisait quelques années que les perspectives d’emploi des pilotes étaient plutôt ternes en Europe et que le faible niveau des embauches les poussait à se tourner vers les low-cost ou à vers les compagnies asiatiques et du Moyen-Orient – tout comme les filières de formation ont trouvé leur salut dans l’internationalisation. Mais 2017 a marqué un tournant : les compagnies européennes traditionnelles cherchent de nouveau des pilotes, ajoutant leurs besoins à ceux des régions où les compagnies ont toujours été en forte expansion. Deux raisons à cela : l’amélioration de l’économie et les effets du report de l’âge de départ à la retraite à 65 ans en 2009, qui n’a fait que repousser la question du remplacement. Une pénurie se dessine, qui a produit ses premiers effets de façon spectaculaire chez Ryanair cet automne. La compagnie a annulé 2 000 vols cet hiver, officiellement en raison d’une mauvaise organisation des plannings de vacances. Mais avec les nouvelles perspectives qui s’ouvrent ailleurs, dans des compagnies offrant de meilleures conditions de travail, les PNT se détournent de la low-cost.
Chez Air France, la filière Cadets a été rouverte à la fin de l’année, en partenariat avec l’ENAC.
La fin du modèle Ryanair
La crise des pilotes chez Ryanair a eu des effets secondaires. Désireuse de les satisfaire pour éviter leur départ, la low-cost a commencé à améliorer leurs conditions de travail (par exemple en leur distribuant une prime) et a même accepté l’idée de discuter avec certains syndicats. Une révolution.
Sur le plan opérationnel, la transformation du modèle, entamée il y a quatre ans avec le programme Always Getting Better, a franchi un nouveau pas avec le début des vols en correspondance à Rome au mois de mai (qui sera répliqué à Porto la semaine prochaine). Les correspondances se font uniquement entre les vols proposés par la compagnie. Pour le moment. Car un accord conclu avec Air Europa envisage à terme des vols en correspondance à Madrid entre les vols européens de Ryanair et les vols long-courrier de la compagnie espagnole.