Après maintes années difficiles, Thai Airways International a renoué avec une rentabilité opérationnelle au premier semestre, conséquence de la baisse de ses factures carburant d’une part, mais aussi grâce aux premiers fruits résultant des nombreuses décisions stratégiques mises en place avec l’arrivée de Charamporn Jotikasthira à la tête de la compagnie publique thaïlandaise en décembre 2014. Il reste cependant encore du chemin à parcourir, mais Thai Airways a bien l’intention de revenir au premier rang des compagnies de la région. Un article exclusif du Journal de l’Aviation.
« We are back ! » C’est avec cette petite phrase que le président de Thai Airways a voulu résumer la situation actuelle de la compagnie en marge de la livraison de son 1er Airbus A350 le 30 août. Après avoir arrêté la véritable « hémorragie financière » dans laquelle s’était embourbé le transporteur public il y a deux ans, Charamporn Jotikasthira place désormais Thai Airways dans une phase de reconquête qui devrait aboutir l’année prochaine. Dès son arrivée à la tête de la compagnie fin 2014, Charamporn Jotikasthira avait immédiatement mis en place trois importantes mesures de réduction massive des coûts : mise en place d’un programme de retraites anticipées concernant 1400 personnes, immobilisation de 38 appareils et fermeture des lignes les plus déficitaires.
« Certaines de ces lignes affichaient une perte de l’ordre de 10 millions de dollars par an » commente le président de la compagnie qui rappelle que Thai Airways a ainsi quitté Madrid, Moscou, Johannesburg et surtout Los Angeles, sa dernière destination aux États unis et sur le continent américain. « Nous utilisions 11 types d’appareils différents » poursuit-il, ce qui explique aussi le manque de compétitivité de la compagnie. « Aujourd’hui notre objectif est de nous restreindre à 5 ou 6 types d’avions différents seulement ». Le président de la compagnie thaïlandaise a aussi précisé que près de la moitié des appareils cloués au sol ont retrouvé des repreneurs.
« Nos concurrents sont tous de véritables athlètes olympiques, les compagnies du Moyen-Orient, les grandes low-cost asiatiques … ». Il rappelle d’ailleurs que la Thaïlande est l’un des pays où le taux de pénétration des compagnies low-cost est le plus important au monde, de l’ordre de 53%. « Nous, nous étions un sportif régional avec beaucoup de gras, il nous fallait un nouveau coach, faire de la gymnastique, trouver de nouvelles tactiques et nous entraîner, nous entraîner encore, afin d’être à nouveau compétitif dès 2017 ».
Une profonde transformation avant la reconquête
« Quand j’ai rejoint la compagnie, le taux de remplissage n’était que de 69%, alors que la moyenne des acteurs de la région Asie-Pacifique était proche des 80%. Aujourd’hui, nous affichons un coefficient de près de 75% mais il reste encore du chemin à parcourir. » Le président de Thai Airways évoque par exemple la mise en place d’un tout nouveau système de ventes pour optimiser le remplissage et les recettes. « Dans le passé, nous avions des processus encore très manuels, avec des modifications tarifaires qui pouvaient prendre des semaines à être mises en place. Aujourd’hui cela ne prend plus que quelques heures à implémenter et nous pouvons ainsi étudier ce que font nos concurrents de façon quotidienne et agir en conséquence. » Charamporn Jotikasthira note d’ailleurs que si la facture carburant a eu un effet positif sur les comptes de la compagnie ces derniers mois, la baisse du cours du kérosène joue aussi en faveur de ses concurrents qui peuvent alors à leur tour baisser les prix de leurs billets et rester d’autant plus compétitifs.
Photo © Le journal de l’Aviation
La poursuite de la réduction de la structure de coûts de la compagnie reste ainsi une priorité même si l’objectif de les réduire à nouveau de 10% reste un travail particulièrement difficile. « Les mesures drastiques que nous avons mises en place au début ont eu des répercussions immédiates sur nos coûts, mais aujourd’hui c’est plus complexe et chacune de nos divisions – le catering, la maintenance, le cargo, le handling – doivent désormais se comparer à ce qui se fait de mieux dans le métier. » Il précise également que le deuxième trimestre est traditionnellement le plus faible pour la compagnie. « Si nous affichons un profit opérationnel lors d’un deuxième trimestre, et j’espère que ce sera l’année prochaine, alors cela signifiera que notre plan de transformation a pleinement porté ses fruits ».
Le président de la compagnie thaïlandaise a par ailleurs tenu à rappeler que les mesures mises en place n’ont pas été dans le sens d’une dégradation du produit proposé à bord, bien au contraire. C’est par exemple durant cette période que la compagnie a lancé son nouveau produit « Royal Orchid Service » vers Tokyo Narita, une montée en gamme en classe affaires désormais disponible sur toutes les dessertes européennes de la compagnie et très bientôt vers l’Australie. Thai va d’ailleurs recruter 600 nouveaux PNC, toujours dans une logique d’amélioration de ses services à bord.
Il ajoute que l’amélioration de la compétitivité de la compagnie passe aussi par une augmentation du taux d’utilisation des appareils. Par exemple, la mise en place du nouvel A350 sur Melbourne va se traduire par un taux d’utilisation de 18 heures par jour, « un record dans notre flotte ». C’est ainsi que la compagnie va pouvoir à nouveau développer son réseau de destinations dans les prochains mois à l’image de la nouvelle ligne vers Téhéran le 1er octobre prochain à raison de quatre vols par semaine. Suivront ensuite le renforcement des fréquences sur Londres, Bruxelles et Oslo puis l’ouverture d’une ligne directe entre Phuket et Francfort en novembre. Le retour de la compagnie à Moscou est aussi annoncé (aéroport en cours d’évaluation).
Le retour à une croissance durable à partir de l’année prochaine
Une toute nouvelle configuration du hub de la compagnie à Suvarnabhumi est également en train d’être mise en place afin d’augmenter le nombre de correspondances. « Nous voulons que Suvarnabhumi devienne l’un des meilleurs aéroports en Asie, permettant d’offrir des correspondances facilitées entre les pays de l’ASEAN, la Chine, la Thaïlande, le sous-continent indien… C’est quelque chose que nous avons négligé ces 10 dernières années, en témoigne la fin de notre présence sur la Kangaroo Route. » Selon Charamporn Jotikasthira, la mise en place du nouveau réseau de dessertes (destinations et fréquences) prendra l’équivalent de quatre saisons IATA (2 ans).
La flotte de la compagnie va aussi être portée à 125 appareils dans les prochaines années, contre 95 aujourd’hui. Un plan de flotte est actuellement en cours d’élaboration est sera soumis au conseil d’administration de la compagnie dans les prochains mois. On sait déjà par exemple que la compagnie s’intéresse de près à la version ULR (Ultra Long Range) de l’A350-900, des discussions venant d’être entamées avec Airbus.
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Nous avons évidemment interrogé Charamporn Jotikasthira pour savoir s’il était également intéressé par l’A319 dans le cadre du remplacement des deux derniers 737-400 de la compagnie, son seul type d’avion en flotte pouvant desservir l’île de Koh Samui. « Nous n’avons pas encore pris de décision à ce sujet » nous a-t-il ainsi répondu, « mais une chose est sûre, ces avions approchent leur limite d’âge et nous devrons faire quelque chose rapidement. »
La compagnie entend aussi renforcer à nouveau sa présence sur l’autre aéroport de Bangkok , la plateforme historique de Don Muang grâce à Nok Air, la compagnie low-cost dont Thai détient aujourd’hui 39% du capital. « Au début ils ont été très bénéficiaires mais nous les avons un peu laissé se débrouiller seul et la concurrence est devenue beaucoup plus intense ces dernières années. Nous devons développer des synergies entre Thai et Nok Air, que ce soit dans la maintenance où dans le développement des lignes depuis Don Muang. Vous verrez des avancées en termes de nouvelles lignes et de partages de code dans les prochains mois » a annoncé le président de Thai Airways.
Seule ombre au tableau finalement, le possible départ de Charamporn Jotikasthira de la compagnie en février prochain pour cause de limite d’âge (60 ans). Mais l’entourage du président de Thai Airways s’est déjà montré rassurant et de multiples solutions seraient déjà à l’étude.
Deux 737-800 de Nok Air à Don Muang. Photo © Le journal de l’Aviation