Trente ans après la création du marché unique européen, vingt après les premiers pas de l’Europe vers l’unification de son ciel, le ciel unique européen (SES) est toujours au point mort. Inlassablement, les plus grandes compagnies européennes, réunies au sein d’Airlines for Europe (A4E), appellent les institutions à avancer, mettant en avant les bénéfices financiers et commerciaux qu’une gestion harmonisée du trafic aérien au niveau européen apporterait. Et c’était de nouveau l’un des principaux sujets abordés par l’association lors de son septième sommet annuel à Bruxelles le 29 mars.
Mais si Michael O’Leary, le CEO du groupe Ryanair, se désespère que la Commission ne fasse « rien, rien, rien, rien », Carsten Spohr, celui du groupe Lufthansa, veut se montrer plus optimiste. « Un nouvel argument est entré dans la balance : l’environnement. Les choses sont différentes désormais », souligne-t-il. Maintenant que la Commission européenne est pleinement focalisée sur les problématiques environnementales, Carsten Spohr veut croire que les 10 % à 15 % de réduction des émissions de CO2 qu’une optimisation du contrôle aérien au niveau européen pourrait apporter – jusqu’à 19 % sur les routes les plus inefficacement assurées – va faire bouger les lignes.
« C’est la solution la plus immédiate, la moins chère et la plus efficace de décarbonation de l’aviation », renchérit Johan Lundgren, le directeur général d’easyJet, en ajoutant n’avoir jamais rencontré personne d’opposé au ciel unique européen. Et elle est, sur le papier, d’autant plus simple à mettre en oeuvre que les efforts sont réduits : « nous n’avons pas besoin de haute technologie, nous avons besoin de volonté politique », résume Carsten Spohr.
C’est là que le bât blesse. Depuis que les syndicats de contrôleurs, notamment en France, ont protesté contre le projet, inquiets de l’évolution de leurs conditions de travail, le ciel unique n’avance plus. La commissaire européenne aux Transports Adina-Ioana Valean, invitée au sommet d’A4E, a elle-même reconnu qu’elle « ne comprenait pas toujours pas pourquoi nos représentants, si prompts à soutenir le Green deal, ne soutiennent pas le ciel unique européen, alors qu’il est tellement évident qu’il créerait de la valeur, pour notre secteur mais aussi pour l’économie européenne » et que c’est l’un des trois piliers crédibles de la décarbonation du transport aérien (aux côtés des carburants durables et du renouvellement des flottes).
Selon Michael O’Leary, c’est à la Commission qu’il revient d’imposer des mesures lorsque les gouvernements sont réticents mais il regrette qu’elle refuse de le faire. Peut-être pourra-t-il prochainement réviser cette assertion : Adina-Ioana Valean a obtenu la promesse qu’il y aurait des progrès dans le courant de l’année. Elle ajoute également que l’aviation pourrait être incluse dans la taxonomie verte de l’Union européenne, ce qui classerait certains investissements réalisés dans le secteur comme durables.