Dans le « monde d’après », la situation du pavillon français n’est pas beaucoup plus reluisante que dans celui d’avant. Alors que l’industrie du transport aérien savourait ses belles performances de cet été, le couperet est tombé : les compagnies étrangères ont de nouveau grignoté des parts de marché en France en 2022, faisant perdre un nouveau point de pourcentage au pavillon français, qui passe au-dessous des 40 %, à 39 %. Face à cette érosion ininterrompue, la FNAM (Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers) continue de réclamer une politique cohérente qui s’abstienne de nuire en premier lieu aux compagnies aériennes françaises.
Pourtant 2023 s’est révélée être une année « favorable au transport aérien », selon les mots de Marc Rochet, administrateur du groupe Dubreuil Aéro et de ses compagnies, une nouvelle année de reprise qui s’est toutefois illustrée par la multiplication de difficultés. L’inflation, les grandes crises géopolitiques (en Ukraine et désormais au Moyen-Orient), la cherté du carburant et des tensions fortes aussi bien dans la maintenance que dans le recrutement sont venues nourrir les vents contraires affrontés par les compagnies françaises. « Nous avons connu un été fort mais pas non plus extraordinaire », tempère Marc Rochet en ajoutant qu’elles sont « en train de rattraper le niveau de capacité de 2019 mais sont toujours au-dessous ». Cela n’a pas empêché la plupart d’entre elles, dotées d’une structure assainie pendant la crise, de dégager des bénéfices importants au troisième trimestre.
La « chance » du transport aérien français est qu’il a pu jusqu’à présent répercuter une partie de ses surcoûts sur le prix des billets, également dopés par une très forte demande au moment des vacances scolaires, sans que cela ne fasse fuir les voyageurs. Ainsi, les tarifs ont augmenté de 20 % à 30 % par rapport à l’année dernière. La FNAM anticipe une stabilisation à des niveaux élevés pour les prochains mois, l’augmentation étant tempérée par la baisse de la demande en hiver, avec le risque qu’une augmentation se poursuivant trop entraîne une contraction du trafic. Une décrue, envisageable en cas de hausse des capacités, mettrait toutefois les opérateurs en difficulté puisque le trafic affaires n’est toujours pas revenu pour compenser.
En parallèle, le secteur doit financer sa transition écologique : « nous devrions investir toutes nos marges – et elles sont faibles – dans les carburants durables et la modernisation des flottes, qui sont les seuls leviers que nous ayons pour décarboner », estime Pascal de Izaguirre, président de la FNAM et de Corsair. Dans ce contexte, l’augmentation prévue de la taxation qui pèse sur les compagnies aériennes françaises passe mal. En effet, la FNAM ne se fait aucune illusion sur la répercussion sur les compagnies aériennes de la potentielle taxe sur les infrastructures longue distance, au travers d’une hausse des redevances (déjà actée par le groupe ADP), qui affaiblira encore plus le pavillon français. De même, les surcoûts que vont engendrer les taxes envisagées, notamment au niveau européen, pour contraindre la décarbonation du secteur sont une épée de Damoclès au-dessus du pavillon français (prix des carburants durables, directive européenne de taxation de l’énergie, empilement des régulations, etc.).
Par ailleurs, le financement des mesures de sûreté continue de faire l’objet de la critique des représentants du transport aérien – aussi bien la FNAM que le SCARA (Syndicat des compagnies aériennes autonomes). Enfin, d’une seule voie avec l’UAF (Union des aéroports français), ils demandent l’abandon d’au moins une partie des avances remboursables accordées aux aéroports durant la crise et proposent une évolution de la régulation aéroportuaire.