L’année 2021 s’annonce assez incertaine pour les loueurs d’avions. Ce n’est pas une surprise : tous les acteurs du secteur de l’aéronautique sont durement touchés par la crise et les compagnies aériennes ont pris conscience dès le début qu’elles en ressortiraient considérablement amoindries, avec une flotte restreinte. Pour les sociétés de leasing – qui possèdent environ 40% de la flotte mondiale -, cela devrait se traduire par une difficulté inhabituelle à placer leurs avions. Selon le cabinet britannique IBA, plus d’un millier d’appareils arriveront en fin de bail l’année prochaine et n’ont pas de projet sûr de replacement.
Quelque 1 300 avions (dont 200 gros-porteurs) devaient en effet retourner à leur loueur en 2021. Avant la crise, le secteur estimait que la plupart des contrats seraient prolongés. Or cette option est « tout à fait improbable désormais ». Pire, d’autres appareils devraient venir gonfler les rangs des retours : ceux des compagnies qui essaient de réduire leur contrat de location longue durée pour faire baisser leurs coûts et leurs frais fixes, ceux des compagnies qui font faillite ou sont placées sous administration extraordinaire… Tout cela alors qu’en parallèle le nombre de clients potentiels va chuter.
Alors qu’il fallait en moyenne trois mois pour replacer un monocouloir et six pour un gros-porteur avant la crise, ce temps pourrait doubler voire tripler désormais. Cette situation va avoir des conséquences pour les loueurs : alors que le coeur de leur métier est d’assurer des transitions les plus fluides possibles entre les clients, ils vont voir le nombre de transitions directes se tarir. Leur modèle bien rôdé va donc se briser et l’activité devra s’adapter à l’augmentation du placement de leurs appareils en stockage longue durée et, comme les compagnies aériennes, leur maintien en bonne condition en vue de leur retour en service.
Le secteur s’inquiète notamment de l’endroit où parquer les appareils retournés à la fin de leur bail, mais aussi de la disponibilité les MRO et OEM pour le maintien en conditions opérationnelles. Le problème est double : les réductions d’effectifs dans les sociétés ont un impact sur les capacités de maintenance et il est plus difficile aujourd’hui de planifier très à l’avance les retours en service d’appareils puisqu’ils dépendent de l’évolution des restrictions de voyage (ouverture ou non de couloirs aériens par exemple).
De même, les loueurs doivent réfléchir à plus grande échelle à l’entretien à long terme des équipements et des nouveaux problèmes que la situation peut soulever (les moteurs n’ont pas été conçus pour rester arrêtés si longtemps, les intérieurs peuvent se détériorer à cause de l’humidité etc.). Autant de sujets qui devraient entraîner des coûts additionnels importants qu’il va falloir endosser.
IBA estime enfin que les litiges entre lessors et compagnies aériennes vont augmenter et changer de nature. Avant la crise, ils concernaient plutôt des restitutions tardives par les compagnies aériennes en raison de lacunes de planification (les compagnies étant occupées à faire voler leurs appareils plutôt qu’à préparer leur départ de la flotte). Ils devraient désormais porter davantage sur des désaccords sur les contrats.