L’histoire des classes affaires et première est jalonnée de ruptures, y compris dans sa partie la plus récente. Le siège transformable en lit plat introduit en 1995 par British Airways est désormais devenu une norme incontournable et les cabines avant sont témoins d’une surenchère qui s’illustre très bien par l’invention de la suite par Singapore Airlines lors de l’entrée en service de l’A380, des douches chez Emirates, du business studio d’Etihad et, bientôt, du nouveau siège de Qatar Airways. Mais vers quoi se dirige la classe économique ?
Quand la conception d’une cabine doit prendre en compte les contraintes de certification, la viabilité économique et l’expérience passager, celle-ci semble être laissée pour compte dans la majeure partie de l’avion. En classe économique, chaque passager bénéficie en moyenne de 0,3 à 0,46 m² d’espace, dans lequel il n’a aucune intimité, dont l’intégrité dépend du comportement des passagers autour et dans lequel le confort est tout relatif.
Pourtant plusieurs concepts ont été lancés ces dernières années pour modifier cette situation. L’un d’eux a été imaginé par les Britanniques de Thomson AeroSeating, et proposait de décaler les sièges sur une rangée, afin d’offrir davantage d’intimité au passager. L’équipementier avait même envisagé une assise rabattable, comme un strapontin, qui permettait aux passagers n’ayant pas accès au couloir de passer plus aisément pour l’atteindre.
Une autre idée avait été présentée par Zodiac Aerospace, celle d’alterner les sièges dans le sens du vol et ceux dans le sens inverse. Une proposition qui avait l’avantage d’augmenter de deux pouces l’espace pour les épaules et pour les jambes (en largeur) et de jusqu’à quatre pouces le pitch. Ce faisant, un siège supplémentaire pouvait même être ajouté à l’arrière de la cabine, là où la structure de l’avion s’affine. Il aurait pu avoir l’avantage de permettre une augmentation de l’intimité en allongeant les côtés des repose-tête. L’équipementier français avait poussé le concept jusqu’à recourir à des sièges très fins, voire avec une assise rétractable également, les HD31 et HD27.
« J’adorerais vous dire que ces sièges volent. Mais ce n’est pas le cas », déplore Anthony Harcup, associé de l’agence de design Acumen. Au contraire, la classe économique ne bénéficie que d’améliorations progressives et les sièges semblent condamnés à conserver leurs attributs actuels : orientation dans le sens du vol, coque fixe, repose-tête fixe. Selon lui, l’un des problèmes est que les idées ne viennent pas des compagnies, qui travaillent davantage à la différenciation en classe affaires et n’osent les ruptures conceptuelles que lorsqu’elles viennent d’elles. De plus, toute différenciation doit être suffisamment importante pour justifier une augmentation du prix du billet, ce qui est difficile en classe économique.
Une autre explication serait que « le marché a peur du changement. » Un point de vue que partage Zodiac, d’ailleurs. Chez l’équipementier, on souligne que le HD31 n’était pas proposé à la vente et qu’il s’agissait davantage d’un concept destiné « à ouvrir le débat. » Mais la réaction des voyageurs potentiels a été très négative à la présentation de l’idée, notamment celle de voyager dans le sens inverse du vol. « Il semble y avoir une aversion à la nouveauté », nous explique-t-on. Mais certaines innovations ont été adoptées, comme de remonter les pochettes pour libérer de l’espace pour les genoux.
Bref, une révolution en classe économique ne semble pas être pour tout de suite, même si Anthony Harcup se veut confiant : « cela va arriver. La seule question est : qui sera le premier à franchir le pas ? »