Depuis le début de la crise du covid-19, il est beaucoup question de l’engagement des gouvernements dans le sauvetage des compagnies aériennes. Le groupe Lufthansa estimait ainsi dès le milieu du mois de mars qu’il s’agirait d’une question de survie pour beaucoup – y compris lui désormais. Le groupe Air France-KLM se trouve dans la même situation et un soutien financier des Etats français et néerlandais est évoqué depuis plusieurs semaines. Le groupe a reconnu qu’il ne pourrait pas s’en sortir seul et vient d’annoncer le 9 avril qu’il menait des discussions approfondies avec ses Etats et des institutions financières pour obtenir des financements supplémentaires, essentiels à sa survie après l’été.
Avec toutes les mesures déjà mises en place en interne pour réduire les coûts et celles de soutien à l’économie adoptées par les gouvernements, Air France-KLM estime en effet pouvoir traverser le deuxième trimestre. Mais « en l’absence de financements complémentaires, un besoin de liquidité est attendu au troisième trimestre», d’autant que le moment de la reprise des vols reste incertain, tout comme l’état de la demande dans les prochains mois, voire les prochaines années. Des négociations sont donc en cours.
Air France, de son côté, peut compter sur un « soutien massif de la part de l’Etat », selon l’expression du ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire, qui précise que « tout est possible, tout est envisageable, tout est prêt », y compris une nationalisation temporaire. KLM ne sera pas non plus abandonnée, comme l’a déclaré le ministre des Finances néerlandais Wopke Hoekstra la semaine dernière : « Il est très important d’aider cette entreprise essentielle dans ces temps difficiles ». Il était alors question d’un prêt de six milliards d’euros pour le groupe (quatre milliards pour Air France et deux milliards pour KLM), selon Reuters. Quoiqu’il en soit, les querelles de l’année dernière entre les deux Etats – qui détiennent chacun environ 14% du groupe – semblent bien loin.
Les recours aux gouvernements se multiplient
A cette heure critique pour le transport aérien, la question de l’ingérence gouvernementale dans la gestion d’une entreprise privée semble donc le cadet des soucis des compagnies aériennes aujourd’hui, leur unique préoccupation étant leur survie, quel que soit le pays où elles sont basées. Même les compagnies américaines ont réclamé 50 milliards de dollars d’aide à leur gouvernement, qui a répondu favorablement, au moins partiellement, selon des modalités qui devraient être précisées ce week-end.« Nous allons être en mesure de faire beaucoup pour les aider afin qu’elles gardent leurs employés et sauvent leurs entreprises », a annoncé le Président Donald Trump.
Cependant, le gouvernement américain ne veut pas d’un « renflouement » mais souhaite que l’aide s’accompagne de garanties pour les contribuables : elle pourrait prévoir une prise de participation dans les compagnies aériennes sous forme de bons de souscription, d’options, d’actions privilégiées ou autres titres. Cela a certes provoqué un petit moment d’hésitation avant que toutes ne postulent au package mais il a vite été balayé.
En Europe, Lufthansa a ouvert des négociations avec les Etats dans lesquels sont basées les compagnies membres du groupe, à savoir l’Allemagne, la Suisse, l’Autriche et la Belgique – qui a confirmé un soutien à Brussels Airlines qui pourra avoisiner les 300 millions d’euros. « J’ai de bons espoirs que ces discussions aboutissent à des résultats positifs », a déclaré Carsten Spohr, son président, le 8 avril. Pour la compagnie allemande, l’une des pistes envisagées est une prise de participation de l’Etat. TUI a elle déjà obtenu un prêt garanti par l’Etat de 1,8 milliard d’euros.
Pour le moment, seule l’Italie a fait le grand saut et décidé de la nationalisation d’Alitalia dès le début de la crise, le gouvernement italien saisissant cette occasion de prendre une nouvelle fois en charge le sauvetage de sa moribonde compagnie porte-drapeau. Le gouvernement allemand pourrait suivre le même chemin mais pour Condor, dont le projet de rachat par le groupe propriétaire de LOT Polish Airlines a échoué.
En tout cas, l’idée de la nationalisation des compagnies est de moins en moins taboue. Mais si les gouvernements redécouvrent l’intérêt d’avoir des compagnies basées sur leur territoire et portant leurs couleurs, il est peu probable que leur implication dépasse le cap de la sortie de crise. Et surtout, toutes ne pourront pas être aidées – l’exemple du Royaume-Uni est assez éloquent, lui qui exclut toute aide à ses compagnies sauf éventuellement en dernier recours, refusant d’avoir à choisir qui sauver. Le risque est grand que des distorsions de concurrence apparaissent, notamment à l’encontre des compagnies low-cost, comme le redoute Wizz Air, et des compagnies régionales, comme le craint la RAA (Regional Airlines Association) aux Etats-Unis.