C’est un mois d’août contrasté pour la mission ExoMars 2020, menée par l’ESA et Roscosmos. Elle vient de passer un jalon majeur dans l’assemblage de l’astromobile (rover) « Rosalind Franklin » avec l’installation de l’instrumentation scientifique, le 20 août. Cependant, cette bonne nouvelle est contrariée par les difficultés rencontrées dans la mise au point des parachutes qui doivent permettre la descente sur Mars, avec un nouvel échec annoncé par l’ESA le 12 août. Il n’y a pourtant plus beaucoup de temps à perdre, le décollage pour la Planète rouge étant prévu dans moins d’un an, entre le 26 juillet et le 13 août 2020.
Rosalind Franklin, du nom de la chimiste britannique qui a contribué à comprendre la structure à double hélice de l’ADN, constitue le coeur de la mission européano-russe. Cette astromobile sera en charge de la collecte et de l’analyse des échantillons de sol martien, même si l’atterrisseur russe Kazachok servira aussi de plateforme de recherches avec douze instruments à son bord, dix russes et deux européens. L’intégration de l’instrumentation scientifique, baptisée « Pasteur », à son bord constituait donc une étape cruciale.
Laboratoire ambulant
C’est Airbus Defence & Space qui était en charge de cette étape dans ses installations de Stevenage au Royaume-Uni. Il aura fallu plusieurs mois de travail pour intégrer la suite complète, composée de neuf instruments (sept européens et deux russes). Six d’entre eux sont consacrés à l’observation : le radar à pénétration de sol WISDOM, l’ensemble de caméras panoramiques PanCam (deux caméras à grand angle et une à haute définition), la caméra loupe CLUPI, le spectromètre à infrarouge Ma_MISS, le spectromètre à infrarouge ISEM et le détecteur de neutrons ADRON-RM.
Les trois autres instruments sont destinés à l’analyse des échantillons récoltés sur la planète. Ils ont été préalablement installés dans un caisson développé par Thales Alenia Space (TAS), simplement appelé Laboratoire d’analyses d’échantillons (Analytical Laboratory Drawer – ALD), qui a été lui-même intégré au sein de Rosalind Franklin. Ils se composent du microscope hyperspectral dans le proche-infrarouge MicrOmega, du spectromètre laser Raman RLS et de l’analyseur de molécules organiques MOMA (doté d’un chromatographe en phase gazeuse).
Cet équipement est complété par une foreuse, conçue par Leonardo, qui sera capable d’explorer le sol jusqu’à deux mètres de profondeur. L’ALD sera ainsi à même de collecter des échantillons qui n’ont pas subi les assauts des bombardements cosmiques et des oxydants. ExoMars 2020 espère ainsi pouvoir détecteur des traces de molécules organiques et donc d’une vie passée… ou actuelle.
Actuellement confinée en salle blanche à Stevenage, à l’abri de toute contamination biologique, l’astromobile doit subir une série finale de vérifications et tester sa foreuse dans les prochains jours. Elle sera ensuite expédiée à Toulouse fin août, où Airbus Defence & Space mènera des essais vibratoires et environnementaux en chambre à vide thermique pour s’assurer qu’elle résistera aux conditions martiennes. Enfin Rosalind Franklin sera confiée à TAS pour être intégrée sur Kazachok (conçu par NPO Lavochkin). L’ensemble sera encapsulé dans le module de descente (NPO Lavochkin et TAS), qui sera lui-même couplé avec le module de transport (OHB Systems). Le vaisseau devrait être ainsi assemblé début 2020.
Première prise de vue pour la PanCam de Rosalind Franklin. © Airbus Defence & Space
Des parachutes toujours pas qualifiés
Avant de passer à cette étape finale, les équipes du programme doivent encore mettre au point les deux systèmes de parachutes qui assureront le freinage du module de descente après sa rentrée atmosphérique (voir encadré). L’ESA a rencontré un nouvel échec le 5 août, lors d’un test à haute altitude sur la base d’Esrange de la Swedish Space Corporation.
Cet essai concernait uniquement le second système, composé d’un parachute extracteur et d’une voile principale de 35 m de diamètre. Les premières étapes se sont déroulées apparemment sans problème, mais la voilure du parachute principal a subi des dommages pendant ces manoeuvres, avec l’apparition de déchirures radiales avant même son gonflement maximal. La descente n’a donc été freinée que par le parachute extracteur.
Des problèmes similaires avaient déjà été rencontrés en mai dernier, lors d’un test qui incluait les deux systèmes. Si toute la séquence a fonctionné et qu’aucun problème n’a été rencontré avec les parachutes extracteurs, des déchirures sont apparues sur les deux voiles principales. Malgré l’analyse des données d’essais et la modification des parachutes et des conteneurs, l’ESA n’a visiblement pas encore identifié la solution adéquate.
Un essai à haute altitude du premier système de parachutes seul est prévu d’ici la fin de l’année. L’ESA retentera ensuite de qualifier le second système début 2020. Et elle devra réussir sous peine de compromettre toute la mission.
Séquence de déploiement des parachutes du module de descente. © ESA