Cela commence à se bousculer en Orbite terrestre basse (LEO). Le 2 septembre, l’Agence spatiale européenne (ESA) a dû pratiquer une manoeuvre d’évitement en raison d’un risque de collision entre son satellite Aeolus et un satellite de la constellation Starlink de SpaceX. Après une série de calculs complexes réalisés par les équipes du Bureau Débris spatiaux au Centre européen des opérations spatiales (ESOC) de Darmstadt, en Allemagne, les propulseurs d’Aeolus ont été allumés afin de rehausser son altitude, une demi-orbite avant que les trajectoires ne se croisent. Une fois n’est pas coutume, c’est l’ESA qui a pris la parole sur Twitter – pourtant le terrain de jeu habituel de SpaceX et d’Elon Musk – pour signaler l’événement. Au-delà de la mini-polémique ouverte à cette occasion, l’Agence spatiale européenne a surtout mis en lumière le besoin d’une gestion normalisée des risques de collision en LEO avec la multiplication des satellites.
Pratiquer une manoeuvre d’évitement avec un satellite n’est pas une opération anodine, sans pourtant être rare. L’ESA indique elle-même en avoir réalisé 28 en 2018 en raison d’un risque de collision avec des satellites inactifs ou des débris spatiaux. Ce qui est beaucoup plus insolite, c’est de devoir le faire pour éviter un satellite actif. L’agence spatiale a ainsi indiqué – toujours sur Twitter – que c’était la première fois qu’elle pratiquait ce genre de manoeuvre pour éviter un satellite appartenant à une méga-constellation commerciale.
Près de 1 000 nouveaux satellites chaque année
A l’image de Starlink, ces constellations de petits satellites fortement automatisés sont appelées à se multiplier dans les dix prochaines années. SpaceX en a pour l’instant mis 60 en orbite, lors d’un lancement en mai dernier, mais compte en envoyer jusqu’à 12 000 supplémentaires en moins de dix ans. Seulement quelques semaines auparavant, OneWeb avait lui aussi commencé à déployer sa constellation qui devrait compter 648 unités d’ici quelques années, et a déjà demandé les autorisations pour en envoyer le double. Amazon a fait de même avec son projet Kuiper, qui pourrait dépasser les 3 000 satellites.
Dans une étude publiée début août, le cabinet Euroconsult estime que le marché des petits satellites (moins de 500 kg) va littéralement exploser dans les dix prochaines années. Alors qu’il représentait en moyenne 147 unités lancées par an entre 2009 et 2018, il devrait passer à 859 exemplaires entre 2019 et 2028 – dont 83% appartiendraient à des constellations. La valeur du marché pourrait ainsi plus que tripler, de 13 milliards de dollars (construction et lancement compris) lors de la dernière décennie à 43 milliards lors de la prochaine.
Besoin d’automatismes
Au vu de la complexité des manoeuvres d’évitement – qui va « de la détermination des futures positions orbitales de tous les engins spatiaux en fonctionnement au calcul du risque de collision et des résultats potentiels de différentes actions » selon le Bureau Débris spatiaux – et de la multiplication des possibilités de collision, l’ESA estime que « des systèmes automatisés deviennent nécessaires pour protéger notre infrastructure spatiale ». Et l’agence se fait forte de rappeler qu’elle travailler actuellement sur le sujet à l’aide de l’intelligence artificielle. Il fera d’ailleurs parti des enjeux de la conférence ministérielle Space19+, qui se tiendra à Séville en novembre.
Au-delà des initiatives technologiques, il faudra sans doute aussi trouver des règles à l’échelle mondiale sur le comportement à adopter par chacun en cas de risque de collision, sans quoi le calcul de trajectoires semble hasardeux. Et pour l’instant, la question semble loin de faire consensus. Selon Forbes, SpaceX aurait ainsi refusé coopérer avec l’ESA pour modifier la trajectoire de son Starlink, pourtant sensé pouvoir effectuer des manoeuvres d’évitements de façon autonome. La circulation spatiale a donc, semble-t-il, besoin elle aussi d’être régulée.