La fin de la Guerre froide il y a vingt-cinq ans n’a pas sonné le glas de la force de frappe nucléaire. Sur fond de tensions avec la Corée du Nord, les États-Unis entendent bien mettre au point une nouvelle génération de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM). Elle doit remplacer les Minuteman III, composante basée au sol de la triade nucléaire américaine, conçue dans les années 1960 et en service depuis 1970.
Maître d’ouvrage du projet, l’US Air Force a passé deux contrats d’études auprès de Boeing et Northrop Grumman, le 21 août, pour la conception préliminaire du programme de Force de dissuasion stratégique basée au sol (Ground based strategic deterrent – GBSD). Cette phase dite de maturation de technologie et de réduction de risques durera jusqu’au 20 août 2020. A son issue, le Pentagone choisira l’un des deux candidats pour la phase de développement de l’ingénierie et de la production. Le déploiement des missiles est prévu entre 2027 et 2034. Pour l’instant, le travail porte sur le missile et ses systèmes de contrôle et de lancement, mais l’USAF étudie aussi la rénovation des infrastructures au sol : centres de contrôle de lancement et installations de lancement.
Concepteur et constructeur des différentes générations de Minuteman depuis le début des années 1960, ou encore du missile embarqué AGM-86 ALCM, Boeing est candidat naturel à sa propre succession. L’USAF lui a ainsi accordé un contrat de 349 M$. De son côté, Northrop Grumman ne dispose pas de référence en tant que maître d’oeuvre sur un tel programme, mais a accumulé de l’expérience en tant qu’équipementier et intégrateur de systèmes sur les programmes Minuteman. Le groupe industriel a aussi été chargé de leur modernisation entre 1998 et 2015, ainsi que de la maintenance d’une partie des sous-systèmes. Sa proposition est à priori moins cher que Boeing, avec seulement 329 M$ attribués par le contrat de l’USAF.
50 ans de vie opérationnelle
L’USAF souhaite disposer d’une arme dotée d’une architecture modulaire capable d’évoluer – ce qui pourrait donner lieu à de futures compétitions pour le rétrofit des missiles – tout en s’appuyant sur des éléments existants comme les corps de rentrée atmosphérique Mk12A et Mk21. Avec le programme GBSD, le major général Scott Jansson, commandant du Centre d’armement nucléaire de l’USAF et officier en charge des programmes pour les systèmes stratégiques entend ainsi « avoir l’adaptabilité pour répondre de manière abordable aux changements de technologie et aux menaces émergentes jusqu’en 2075. »
Si près de 700 M$ ont déjà été engagés pour cette phase préliminaire, le contrat de développement puis la production des futurs GBSD se chiffreront à plusieurs dizaines de milliards de dollars. Selon Reuters, l’US Air Force évalue le coût du programme à 65 Md$, tandis que le Pentagone estime qu’il pourrait s’élever jusqu’à 82 Md$. Ce n’est visiblement pas un problème pour le général David Goldfein, chef d’état-major de l’USAF : « Comme d’autres l’ont déclaré, la seule chose plus chère qu’une force de dissuasion est de mener une guerre. Le Minuteman III a 45 ans. Il est temps de moderniser ».