De l’avis de tous les participants comme de celui du nouveau chef d’état-major de l’armée de l’air (CEMAA), le général Philippe Lavigne, la mission PEGASE était une première pour les aviateurs français et une réussite. Derrière cet acronyme aux consonances mythologiques se cache la Projection d’un dispositif aérien d’EnverGure en Asie du Sud-Est : du 20 juillet au 4 septembre, trois Rafale, un A400M, un A310 ainsi qu’un C-135FR ont été déployés pour participer à l’exercice Pitch Black en Australie, puis effectuer une tournée dans cinq pays asiatiques.
La mission PEGASE proprement dite s’est déroulée à l’issue de l’exercice australien, sous le commandement du général Patrick Charaix. Du 19 août au 4 septembre, le dispositif est passé dans l’ordre par l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam, Singapour et l’Inde, avant de faire escale à Al Dhafra. Les avions – à l’exception d’un Rafale resté aux Émirats Arabes Unis pour raisons techniques et qui devrait rentrer sur une prochaine rotation – ont enfin rejoint la base d’Istres, où ils furent accueillis par le général Lavigne le 6 septembre.
PEGASE en trois mots
Le nouveau CEMAA a salué le bon déroulement de la mission à travers trois mots : « Fiabilité, crédibilité et réactivité. » Selon lui, l’armée de l’air a ainsi réussi à montrer sa capacité de projection à très longue distance à ses alliés mais aussi vis à vis des populations françaises d’Outre-Mer. « Cela nous a permis de nous assurer de points d’appui tout au long du parcours, pour l’armée de l’air mais aussi dans le cadre interarmées. » Il a aussi souligné la capacité de la France à s’intégrer dans Pitch Black, exercice multinational de grande ampleur (voir encadré).
Sur ces deux premiers points, le général Lavigne est rejoint par la ministre des Armées, Florence Parly, interrogée dans la matinée : « Les objectifs de cette mission étaient d’abord d’affirmer notre présence dans cette zone du monde. Ceci est parfaitement cohérent avec ce que le Président de la République a été amené à développer lors d’une visite faite en Australie il y a quelques mois. Cette présence qui n’a d’ailleurs pas qu’une dimension aérienne, notre présence militaire dans la région prend aussi une forme navale. Il s’agissait également de mieux connaître cette région et de renforcer notre coopération militaire avec des partenaires stratégiques majeurs, que sont l’Australie et l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam et Singapour. »
En ce qui concerne la réactivité, le général cite en exemple le déploiement rapide de l’A400M au profit de l’Indonésie, frappée par une série de séismes. L’avion de transport a été détaché du reste du dispositif sous l’autorité du colonel Arnaud Brunetta – éventualité prévue lors de la planification de la mission – pour acheminer 25 tonnes de fret à destination des populations locales touchées.
Le général Philippe Lavigne, nouveau CEMAA, accueille ses hommes à leur retour. © L. Barnier / Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés
Vitrine industrielle
Le général Lavigne a enfin évoqué l’importance de ce type de mission pour le soutien à l’export des matériels français. Les équipages ont ainsi pu échanger autour de l’A400M en Malaisie, premier client export de l’appareil avec quatre machines, mais aussi en Indonésie, qui est intéressée par l’acquisition de deux exemplaires.
Le partage fut d’ailleurs assez riche avec les équipages malaisiens d’A400M, ceux-ci ayant développé des capacités différentes de celles de leurs homologues français : ils pratiquent ainsi le ravitaillement en vol d’autres appareils, ce qu iest encore en attente en France, mais ne réalisent pas d’atterrissages sur terrain sommaire.
A Singapour, les discussions se sont plus orientées autour du PC-21, qui est déjà exploité depuis 2008 par la Cité-Etat, et donc de la formation des pilotes. Enfin, le Rafale a bien sûr été au coeur de l’étape indienne. Plusieurs vols de démonstration ont d’ailleurs eu lieu tout au long de la mission, notamment sur les Rafale B, spécialement choisis pour leur caractère biplace.
Prouesse logistique
De son côté, le colonel Brunetta est revenu sur l’importante préparation qu’a nécessitée la mission. Celle-ci a débuté dès décembre 2017. « C’est un format de mission assez complexe à mettre en oeuvre, insiste le colonel. C’était plus simple pour Pitch Black, exercice de type Flag sur lesquels nous sommes très rodés. Il y avait beaucoup de pays à visiter avec un rythme très élevé, de 24 heures en Malaisie à quatre jours en Inde. Sans parler des difficultés de dédouanement et d’immigration, nous avions un minimum d’activité aérienne à assurer à chaque étape. »
Sur le plan logistique, le colonel Brunetta parle d’une « expérience unique » du fait de l’éloignement de la métropole. L’A400M et l’A310 ont ainsi convoyé 40 tonnes de fret et de lot technique, ainsi qu’une centaine d’aviateurs. Ce chargement fut a priori bien dimensionné, car le dispositif a pu opérer de façon autonome. Une seule pièce, non indispensable, dû être expédiée de France vers l’Inde, ce qui fut fait en 24h via un service logistique civil.
En revanche, un deuxième A400M a dû être appelé pour prendre le relais du premier appareil à cause d’un problème moteur. Celui-ci a priori pu être changé et l’avion est retourné en France.
Objectifs atteints
Au final, PEGASE peut se targuer d’avoir respecté à la lettre les délais établis lors de la préparation opérationnelle. Et le colonel Brunetta indique que l’activité aérienne a même été un peu plus importante que prévu, avec notamment le détachement de l’A400M.
Cette performance a d’ailleurs été saluée par Florence Parly : « C’était une opération avec un triple objectif, et j’en rajouterai un quatrième, la possibilité pour nos aviateurs de montrer avec fierté tout ce dont ils sont capables. C’est absolument déterminant que de pouvoir mener de grandes opérations – qui sont très exigeantes pour nos aviateurs, parce qu’elles les amènent à se projeter très loin. »
Première du genre, PEGASE pourrait ainsi donner naissance à d’autres opérations du même genre dans les prochaines années.
Un A400M et un Rafale sur le tarmac de la base d’Istres. © L. Barnier / Le Journal de l’Aviation – tous droits réservés