Dédiés à l’observation de la Terre, les satellites européens Sentinel-1 viennent de se découvrir une vocation d’expert d’assurance. Le gouvernement du Tamil Nadu, Etat du sud de l’Inde, a requis leurs services pour évaluer les dégâts dus à la sécheresse exceptionnelle – la plus importante en 140 ans – qui a frappé la région au printemps dernier. Les images fournies ont ainsi pu servir de preuve en vue de l’indemnisation rapide des populations touchées. L’Agence spatiale européenne (ESA), qui met en oeuvre les satellites Sentinel à travers son programme de surveillance de la Terre Copernicus (en partenariat avec l’Union européenne), est revenue sur cette collaboration inédite le 17 août.
Contrairement à des satellites à imagerie optique, Sentinel-1A et 1B (qui composent à eux deux la constellation Sentinel-1) ne sont pas soumis aux aléas météorologiques. Ils disposent d’une capacité d’observation tout temps, de jour comme de nuit, grâce à leur radar à synthèse d’ouverture en bande C doté d’une résolution spatiale de 20 m. Ils ont ainsi pu cartographier la région malgré la présence de nuages, fréquents dans les régions tropicales.
A partir des images collectées, des modélisations ont pu être réalisées pour estimer l’assèchement des rizières et la perte de cultures. Elles ont été mises au point par la société suisse Sarmap, membre du partenariat public-privé Riice (Information et assurance basées sur la télédétection pour les cultures dans les économies émergentes). Ce consortium germano-suisse est spécialisé dans l’observation et la cartographie des cultures dans le sud de l’Asie, afin de réduire la vulnérabilité des petits agriculteurs. Depuis plusieurs années, il a constitué d’importantes bases de données sur la région – principalement à partir des moyens d’observation de l’ESA – qui ont pu être mises à profit ici. Sarmap s’est aussi appuyé sur la collaboration de l’Institut international de recherche sur le riz, des autres membres de Riice, ainsi que des autorités et des universités indiennes.
Les résultats obtenus ont pu être ensuite transmis comme preuves à la Compagnie d’assurances agricoles d’Inde pour accélérer les procédures de dédommagements. Environ 200 000 riziculteurs ont déjà pu être indemnisés sur le million que compte l’Etat du Tamil Nadu. Pour Malay Kumar Poddar, directeur général de la Compagnie : « Evaluer les dommages à partir d’une technologie de télédétection introduit plus d’objectivité dans le processus d’assurances. » Il est rejoint par Gagandeep Singh Bedi, commissaire du gouvernement du Tamil Nadu : « La technologie de télédétection de Riice […] a été particulièrement utile durant la dernière récolte pour identifier les villages touchés par la sécheresse et les riziculteurs ont pu bénéficier de cette technologie pour faire des demandes d’indemnisation en un temps record. »
L’efficacité de cette solution pousse les différents partenaires à regarder plus loin, comme l’explique Malay Kumar Poddar : « Au-delà des évaluations de pertes, nous sommes aussi intéressés pour utiliser cette technologie pour estimer la taille réelle des récoltes en fin de saison. » L’université agricole du Tamil Nadu et l’Institut international de recherche sur le riz, basé aux Philippines, s’intéressent tout particulièrement à la question.