Présent à Paris à l’occasion de la World Satellite Business Week, organisée par Euroconsult du 10 au 14 septembre, Ryan Reid, le directeur des Constellations de satellites de Boeing, a accordé une interview au Journal de l’Aviation. Il a ainsi évoqué l’avancement des projets en cours, et principalement celui de la constellation O3b mPOWER de l’opérateur luxembourgeois SES. En effet, il y a tout juste un an, Boeing remportait ce marché pour la construction de sept satellites de télécommunication en orbite terrestre moyenne (MEO) à la surprise générale, et au détriment d’Orbital ATK (devenu Northrop Grumman Innovation Systems, suite à son rachat cette année) et de Thales Alenia Space (TAS).
Où en êtes-vous dans la conception et la construction des sept satellites qui constitueront la constellation O3b mPOWER de SES ?
Nous avons achevé la revue de conception préliminaire (PDR) au second trimestre de cette année, et nous continuons naturellement à travailler sur la conception détaillée et le prototypage dans le cadre du développement du programme. Cela va nous amener à la revue de conception critique (CDR) au milieu de l’année prochaine.
Avez-vous utilisé une plateforme existante ou celle-ci est-elle entièrement nouvelle ?
Boeing adopte toujours une approche par ligne de produits pour développer des engins spatiaux. Nous faisons donc de même pour les véhicules mPOWER. Nous avons pris des produits et des capacités qui existaient déjà, nous avons optimisé le design de certains d’entre eux lorsque cela avait du sens, et nous avons aussi développé de nouveaux produits et technologies là où nous avions besoin d’eux pour répondre aux exigences de la mission.
Cela est en partie le fait des demandes de performances de la part des clients, tandis que d’autres modifications peuvent être dues par exemple aux contraintes inhérentes aux différentes orbites, comme l’orbite terrestre moyenne, avec des caractéristiques environnementales spécifiques.
Même dans ces conditions, nous sommes en mesure de bénéficier de notre expérience de construction de satellites en orbite terrestre moyenne et en orbite terrestre basse – pour une orbite terrestre moyenne, vous connaissez probablement la constellation GPS pour le gouvernement américain et la constellation ICO depuis longtemps déjà. Nous avons donc beaucoup de connaissances et d’expérience dans la conception de systèmes MEO.
Avez-vous quelques exemples de nouvelles technologies introduites avec ces satellites ?
En développant la conception de mPOWER, nous tirons parti des technologies-clefs, des processus et des techniques de fabrication avancées venues de toute l’entreprise Boeing. Travailler pour Boeing Satellites veut dire faire partie d’une société plus large, qui fait nombre de choses dont des centaines d’avions par exemple.
Nous nous appuyons sur certaines technologies que nous avons déjà utilisées dans l’espace. Nous allons ainsi encore plus loin dans la fabrication additive, les tests automatisés ou les programmes d’intégration.
Quels usages allez-vous faire de la fabrication additive sur ces satellites ?
Sur les précédents systèmes, nous utilisions la fabrication additive sur des éléments très structurels où elle apportait d’importants gains de masse par exemple. Nous l’appliquons désormais plus largement afin de nous créer encore plus d’opportunités de gains de masse sur différents types de pièces structurelles.
Cela vous permet aussi de créer des designs complexes difficiles à réaliser avec des processus d’usinage traditionnels. Nous recherchons systématiquement des opportunités pour voir comment tirer avantage de cette technologie.
Allez-vous réutiliser des technologies ou des processus développés pour mPOWER par la suite ? Pouvez-vous nous donner un exemple ?
Comme je l’ai dit auparavant, nous avons une approche par ligne de produits. Les produits et technologies développés pour mPOWER seront ensuite ajoutés à notre portefeuille de solutions pour de futurs systèmes.
Je ne peux pas donner trop de détails, mais nous avons mentionné la fabrication additive. Nous allons pouvoir diffuser les nouveaux processus développés dans d’autres domaines. Il en sera de même pour les tests automatisés et les méthodes de production avancées, très utiles pour réduire les cycles de développement et les temps de préparation au lancement.
Allez-vous construire des prototypes ? Et irez-vous jusqu’à assembler un satellite complet ou seulement des éléments spécifiques ?
Cela fait partie du processus de développement de faire du prototypage, afin de gérer les risques et de déterminer la façon de livrer dans les temps à nos clients.
L’assemblage d’un prototype complet dépendra vraiment des aspects du développement sur lesquels nous devrons lever des risques.
Quand allez-vous débuter la construction du premier satellite de série ?
Nous planifions un premier lancement mi-2021, donc nous allons débuter naturellement la production principale 18 mois auparavant. Comme pour nos autres lignes de produits, nous allons commencer avec la fabrication d’éléments de bas niveau pour avancer graduellement vers un engin spatial de plus haut niveau. Nous passerons ensuite au programme d’intégration et de tests et finalement à la préparation au lancement.
Vous annoncez un premier lancement en 2021, mais pour quand espérez-vous l’envoi du septième et dernier satellite ?
Nous allons être prêts en 2021. C’est à SES de déterminer quelles seront les véritables dates de lancement. Nous nous baserons sur leur choix, mais notre objectif est d’être prêts mi-2021.
Vous pourriez donc fournir tous vos satellites pour des lancements en 2021 si SES le demandait ?
Je pense que nous pourrions être prêts à cela. Cela dépendrait vraiment du fait de trouver un bon agencement et de la disponibilité des lanceurs. Il y a beaucoup de complexité dans le montage d’un lancement.
Vue d’artiste de la constellation O3b mPOWER. © SES
Quelles seront les capacités de ces futurs satellites ? En termes de bande passante, débit, vitesse, couverture, etc. ?
Je crois que SES a fait différentes conférences de presse pour parler des capacités attendues du système ainsi que de la couverture. C’est vraiment à SES de communiquer. [Lors de l’annonce du contrat pour la commande de sept satellites en bande Ka à forte puissance à Boeing Satellite Systems en septembre 2017, SES a annoncé que la constellation O3b mPOWER disposerait d’un total 30 000 faisceaux entièrement configurables et orientables en temps réel pour assurer une couverture de 400 millions de kilomètres carrés dirigée vers les zones habitées, avec un débit de plusieurs térabits par secondes – de l’ordre de 4 Tbits/s selon certaines estimations, NDLR.]
Quelle sera la valeur ajoutée d’O3b mPOWER par rapport à l’actuelle constellation O3b de SES (composée de 16 satellites Thales Alenia Space, lancée entre 2013 et 2018) ?
SES a décrit la différence entre l’actuelle constellation et mPOWER en évoquant le passage d’une dizaine de faisceaux par satellite à plusieurs milliers, la différence de débit correspondante, la couverture globale, etc. Je ne peux pas donner de détails spécifiques car je devrais probablement spéculer sur la conception détaillée des satellites de Thales, mais ce que nous livrons avec mPOWER est un bond en avant important en termes de performances ce qui, du point de vue de SES, offre l’opportunité de débloquer de nouveaux services et des possibilités de croissance.
Outre O3b mPOWER, vous avez lancé il y a deux ans un projet de constellation, qui comprendrait près de 3 000 satellites de communications en bandes C et V en orbite basse. Où en êtes-vous ?
Comme vous le savez probablement, nous avons toujours une licence déposée [auprès de la Commission fédérale des communications américaine, NDLR] et nous continuons à progresser dessus, mais je ne peux pas donner beaucoup de détails.
Mais c’est un projet toujours en cours ?
(Hésitation.) Nous continuons de rechercher la bonne opportunité pour poursuivre cet effort.