Alors que s’ouvre le salon Euronaval, la Marine nationale continue d’explorer les possibilités offertes par des drones aériens embarqués et s’apprête à aller plus loin dans l’intégration de vecteurs aériens pilotés à distance.
« Nous savons déjà comment nous envisageons d’employer les drones, mais nous devons maintenant les positionner dans l’environnement opérationnel d’un bâtiment et voir comment ils s’insèrent dans la mission », explique le capitaine de corvette Raphaël, officier de programme drones. Deux problématiques majeures ont été identifiées, la mise en oeuvre du drone sur une plateforme maritime et l’intégration à une opération combinée. « L’intégration sur un bateau est complexe, il y a un travail technique sur la compatibilité, le stockage, l’arrivée sur le pont, l’emplacement des antennes, du GPS, des opérateurs, etc. », poursuit l’officier de marine.
Deux types de drones sont envisagés au sein de la Marine nationale : les minidrones et les drones tactiques. Concernant la première catégorie, l’utilisation des minidrones vise en premier lieu à offrir une « consolidation de la situation tactique proche, un éclairage en passage resserré, une tenue de contact sur une piste suspecte ou d’intérêt en toute discrétion, de l’ISR en zone côtière ou portuaire ». « Le besoin de drone est bien présent, il nous rendrait bien service pour faire de la surveillance de zone et du retour d’information, sans trop s’approcher d’un bâtiment inconnu, ou pour faire de l’évacuation de ressortissants par exemple », nous indiquait récemment un commandant de bâtiment. De futurs développements pourraient également inclure de l’acquisition de cible ou encore du guidage laser. Les plateformes envisagées regroupent les bâtiments ne possédant pas de plateforme hélicoptère, ou les frégates de surveillance.
Les premières expérimentations ont débuté en 2014 avec le drone à voilure fixe DVF 2000 de Survey Copter. « L’objectif était de défricher la mise en oeuvre à partir d’un bateau et de clarifier la problématique de récupération. Nous avons fait des essais de récupération à l’aide d’un filet situé à l’arrière d’un Aviso et démontré que nous pouvions avoir une récupération totalement automatique ». La plus récente campagne – interarmées – date quant à elle de l’été 2016 et aurait notamment impliqué le DT26 de Delair Tech ainsi que le NX70 de Novadem et un drone d’ECA, avec une attention particulière portée sur le traitement de la chaîne image. « Il s’agissait de voir comment optimiser les performances des boules optroniques, de reprendre par exemple une donnée vidéo et de la retravailler informatiquement pour la rendre plus stable », détaille le capitaine de corvette Raphaël. Les traitements appliqués auraient démontré des performances « très intéressantes ». « Nous travaillons à de nouvelles campagnes et à l’amélioration de la capacité d’adaptation du minidrone à l’environnement aéromaritime. »
Les expérimentations de drones tactiques ont quant à elles été amorcées en 2011, avec le VTOL (Vertical take off and landing) S100 Camcopter de Schiebel, embarqué à bord du patrouilleur hauturier L’Adroit. Après la perte du premier exemplaire, un second a été acquis pour poursuivre les essais d’intégration, puis mis de côté en raison de difficultés techniques et de comportement dans certains milieux. Un troisième vecteur aérien a récemment été livré à la Marine nationale et devrait bientôt être déployé pour des essais en vol – une fois ses vols de réception achevés.
Airbus Helicopters travaille de son côté au développement d’un drone VTOL. Le VSR700, développé à partir du Cabri de Guimbal, prendrait en quelque sorte le relais du programme Tanan (DCNS/Airbus Defence & Space), présenté à Euronaval 2014 et abandonné en juin dernier.
« L’objectif est d’arriver rapidement sur BPC [Bâtiment de projection et de commandement, NDLR], car la plateforme présente une facilité de mise en oeuvre et correspond tout à fait à ce que nous envisageons pour un système futur », expose le capitaine de corvette. De premiers essais depuis la terre précéderont cette nouvelle campagne d’essais, menée conjointement par la DGA et le CEPA 10/S (Centre d’expérimentations pratiques et de réception de l’aéronautique navale). L’idée sera d’évaluer les capacités d’opérations combinées du drone avec des hélicoptères embarqués. « Nous nous sommes affranchis de la problématique de l’espace, nous avons réfléchi à la gestion de mission de manière mutuelle, il nous reste maintenant à le vérifier [en situation opérationnelle]. »
Les drones tactiques, dans le cadre du programme SDAM (Système de drone aérien tactique pour la Marine), sont envisagés principalement dans le cadre de missions de surveillance maritime, d’identification, de reconnaissance en avant de la force « toute mission qui permet d’étendre la vision de la surface maritime ». Avantage du drone, son utilisation pour des missions de « basse intensité », afin de garder l’hélicoptère pour l’intervention. « Le couple permet d’équilibrer un besoin opérationnel et d’avoir une cohérence sur la mission du bateau », selon l’officier de programme. Parmi les limitations et les contraintes listées dans le domaine du drone tactique, l’absence de radar. Un manque côté industriel, mais également une problématique financière.
Trois segments complémentaires sont envisagés dans la doctrine retenue pour la composante drones : le minidrone monocapteur, prévu à un horizon court terme, le drone de taille intermédiaire VTOL, bi-capteur dans une perspective de complémentarité avec les hélicoptères, à l’horizon 2020-2025, et enfin le drone à voilure fixe multicapteurs, embarqué ou à terre, à un horizon beaucoup plus lointain, le besoin serait d’ailleurs plutôt dirigé vers du HALE (Haute altitude et longue endurance) que du MALE. « Pour y arriver, il faut commencer », a-t-on pu entendre dans les coursives. Tout un programme…