Si le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian s’était montré particulièrement mécontent de l’avancée du programme de MCO et de rénovation des Atlantique 2 (voir Les difficultés de la flotte d’Atlantique 2), c’est le chef d’état-major de l’armée de l’air qui tire la sonnette d’alarme concernant le programme A400M. « La situation n’est pas bonne » a-t-il en effet affirmé lors de ses auditions à l’Assemblée nationale et au Sénat à la mi-octobre.
Si les inquiétudes se rapportaient à la livraison des capacités tactiques de l’avion lors des auditions 2016, en 2017, « la principale préoccupation s’agissant de ce dossier est celle de la crise des moteurs, qui induit un mauvais taux de disponibilité de nos flottes, avec des répercussions sur l’entraînement de nos équipages et sur nos capacités opérationnelles » ainsi que l’a déclaré le général André Lanata. Le délégué général pour l’armement, Laurent Collet-Billon expose pour sa part que « l’affaire des boîtes relais des réducteurs d’hélices » a connu « de nombreux remous ».
Cette « crise des moteurs » concerne la boîte de transmission, pour laquelle l’ASEA a émis une consigne de navigabilité au premier trimestre 2016, induisant une « évaluation technique et industrielle » du matériel développé par Avio, une filiale de General Electrics. Les difficultés rencontrées nécessitent des visites plus fréquentes, d’abord « au bout de 60 heures, et ensuite, toutes les 20 heures », selon le CEMAA, soit à peine de quoi faire un aller-retour sur un théâtre d’opérations tel que Chammal par exemple. Des visites « exténuantes pour le personnel mécanicien », en attendant la solution intermédiaire, prévue pour le printemps 2017.
Airbus Defence & Space avait annoncé en juin la tenue d’essais avec les nouvelles boîtes de transmission, qui ont fait l’objet d’une campagne de qualification et de certification, accordée par l’AESA le 7 juillet dernier, l’idée étant de rallonger les délais d’inspection des moteurs et de ne pas clouer au sol les avions déjà livrés.
La solution développée par l’avionneur militaire « consiste à réaliser une modification nommée »truncated plug », en raccourcissant un des pignons, ce qui permet de déplacer les fréquences de résonance de la boîte relais ». Laurent Collet-Billon indique que ces changements ont permis de décaler la première inspection à 650 heures. La solution définitive devrait amener à faire des inspections au bout de « quelques milliers d’heures », la priorité actuelle étant « de remettre la flotte en état de vol ». Le changement de boîtier sans déposer le moteur a par ailleurs été validé par les nations-clientes, « ce qui permet de réduire la durée d’immobilisation de l’avion d’une vingtaine de jours à quelques jours environ », selon le DGA.
Airbus group avait indiqué dans son communiqué sur les résultats des neuf premiers mois de l’année 2016 que les progrès étaient « notables sur le plan industriel, en matière de développement des capacités militaires et de gouvernance du programme, mais la situation générale du programme reste un défi ».
Concernant les capacités tactiques, l’armée de l’air doit recevoir en 2016 six avions (dont trois en retrofit) dotés de l’autoprotection, de la faculté à atterrir sur des terrains sommaires et d’aérolargage. Si l’intégration de l’autoprotection ne pose en soi pas de problème particulier, les difficultés sont plus importantes sur les capacités d’aérolargage en simultané depuis les portes latérales en raison entre autres de contraintes aérodynamiques (à l’image des problèmes rencontrés pour le ravitaillement en vol des hélicoptères). Le poser sur terrains sommaires a quant à lui fait l’objet d’expérimentations au Royaume-Uni et à Madama cet été, après une campagne effectuée à Ecury-sur-Coole dans la Marne en septembre 2015, une première capacité pour le terrain et la piste de Madama étant attendue pour la fin de l’année. Laurent Collet-Billon a par ailleurs indiqué que l’A400M « s’est révélé bien meilleur […] qu’un C-130 » sur ce type de terrains.
Le DGA, s’il reconnaît les capacités de l’A400M, représentant « un apport tout à fait remarquable », se montre en revanche prudent sur les délais de livraison des avions et des capacités tactiques, comme il l’a souligné lors de son audition à l’Assemblée nationale : « nous ne sommes pas certains que le rythme sera celui qui est attendu par les nations ». Tout comme le général Lanata, qui a « bon espoir que l’industriel tiendra cet objectif [de livraison au premier standard tactique] », Laurent Collet-Billon espère que « la situation à la fin de l’année sera moins terrible que celle en début d’année ». L’armé de l’air devrait disposer de 11 avion fin 2016, dont six au premier standard tactique. Il reste deux mois à l’industriel pour tenir ses promesses.