A l’occasion du 14 juillet, le Journal de l’Aviation a rencontré le général Jean-Christophe Zimmermann, commandant en second du CDAOA (Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes), en charge du défilé aérien depuis deux ans et ayant lui-même défilé à trois reprises sur Mirage F1CR. Voilures fixes en ouverture, voilures tournantes en clôture, ce sont au total 56 avions et 30 hélicoptères qui parcourront les 7 kilomètres qui séparent la Défense de la place de la Concorde, en passant par l’Arc de Triomphe.
A quel moment la préparation du défilé aérien de cette année a-t-elle commencé ?
Nous avons commencé à y penser dès le 15 juillet 2015. Ayant été responsable du défilé l’an dernier, j’ai conservé quelques notes sur ce qui pourrait être perfectible, de façon à en tenir compte dans l’organisation du suivant. Nous avons ensuite attendu l’identification du thème, avec parfois plusieurs sous-thèmes et avons recherché à partir de là la manière dont nous allions pouvoir les illustrer, afin de nous permettre de construire la maquette du défilé. Pour la partie aéronautique, la maquette fait appel à tous les contributeurs que nous sollicitons dans les unités et qui, en fonction des contraintes opérationnelles, nous disent de quelle manière ils envisagent leur contribution, en termes de nombre d’aéronefs, etc. Nous construisons ensuite la maquette, que nous soumettons à la validation du chef d’état-major de l’armée de l’air.
Il faut également intégrer un certain nombre de contraintes, à la fois sur les machines, dont le potentiel est allègrement consommé dans les différentes opérations menées par la France, mais aussi aussi sur les personnels, qui sont extrêmement sollicités et qui pour beaucoup rentrent à peine d’opérations pour prendre part à ce défilé.
Lors de votre première rencontre avec les pilotes, il y a un mois et demi, vous avez parlé du défilé comme d’une véritable « mission »…
C’est effectivement la façon dont j’ai souhaité qu’ils le comprennent bien. Les pilotes font des choses d’une complexité extrême, mais le défilé du 14 juillet est très difficile aussi. Ce ne sont pas les mêmes objectifs qu’on va rechercher en Irak, en Syrie ou au Sahel, ou dans leurs métiers respectifs pour la Sécurité civile et la gendarmerie, mais c’est néanmoins une mission extrêmement compliquée, avec des aléas qui peuvent être nombreux, dans beaucoup de domaines, il faut donc vraiment bien s’y préparer.
Comment gère-t-on la météo ?
Il faut être toujours prêt, nous prenons en compte tous les « what if » (les scénarios catastrophe, NDLR), y compris les plus pénalisants, pour faire en sorte que chacun ait les réactions appropriées. A titre d’exemple, lors de l’ultime répétition du défilé, le 11 juillet, avec les leaders de patrouille, nous avons joué un scénario de mauvaise météo, afin d’entraîner les contrôleurs, mais aussi de permettre aux approches de Roissy, Évreux et Villacoublay de prendre en compte ces presque 90 aéronefs pour les ramener à bon port sur leurs plateformes.
De manière générale, pour le défilé, il nous faut un plafond, il faut que la partie basse des nuages soit au-delà de 650-700m du sol. Cela permet aux avions d’évoluer en-dessous, pour rejoindre le circuit d’attente avant de défiler. Le second élément météo, c’est la visibilité. Si on ne voit pas à 5 kilomètres en-dessous du plafond, il faudra par exemple modifier la structure du défilé.
Par ailleurs, le vent est un facteur intéressant, qui peut parfois perturber l’axe des aéronefs. A Châteaudun (lors de la première répétition aérienne), nous avons eu un vent de travers, le 11 juillet le vent était de travers arrière assez fort, il fallait donc que les équipages arrivent à tenir l’axe de bout en bout. Si les aéronefs sont bien passés à la verticale au-dessus de la Défense et de l’Arc de Triomphe, il faut qu’ils réussissent à rester sur l’axe pour passer la tribune présidentielle. Pour compenser, il faut parfois afficher une certaine dérive, qui est d’autant plus sensible que la vitesse est lente. De même, sur les gros avions, la moindre variation d’altitude pour compenser ce vent se voit et ce n’est pas forcément ce qu’il y a de plus esthétique.
On parle d’un défilé réglé comme du papier à musique, est-il coordonné à la seconde près ?
C’est pratiquement à la seconde près, effectivement, à une grande précision de vitesse, qui permet de garantir le positionnement du dispositif. Les aéronefs décollent des bases et rejoignent l’axe de défilé selon une chronologie très finement établie. Le top départ est lié au président de la République, à son positionnement dans la tribune. C’est alors que nous déclenchons la séquence défilé et à partir du moment où la séquence a commencé, la Patrouille de France a 16 minutes pour rejoindre la verticale de la tribune. L’information est évidemment transmise à tous les aéronefs qui sont dans les circuits d’attente. Il y a parfois de petites variations de vitesse pour les aéronefs, l’objectif étant que les différents box soient espacés de 40 secondes à la verticale de la tribune.
Comment le dispositif est-il organisé ?
Au total, ce sont plus de 1 000 personnes qui sont engagés sur le dispositif, à la fois dans le volet sécuritaire et pour le défilé aérien à proprement parler. Au « PC Étoile », en haut de l’Arc de Triomphe, ce sont une trentaine de personnes qui oeuvrent à la bonne marche du défilé. Ce qui est moins connu, c’est l’importance de tous les systèmes d’information. Nous avons une centaine de personnels SIC (Systèmes d’information et de communication) qui font fonctionner toute l’architecture, tout le réseau mis en place pour les communications et la détection. A l’intérieur de la coupole de l’Arc de Triomphe, il y a un vrai coeur de réseau avec beaucoup de matériel, sur le territoire, des détachement sont en place et assurent le fonctionnement du réseau.
Quant au volet sécuritaire, il comprend un renforcement en termes de détection, de capacités d’analyse de situation, de liaison et de coordination avec tous les acteurs, de moyens d’intervention. Nous renforçons la posture permanente en doublant le nombre d’hélicoptères, en ajoutant des patrouilles d’avions de combat, de l’AWACS en détection et de la défense sol-air. Il y a également des moyens de lutte anti-drones, en coordination avec la Préfecture de police de Paris.
Quel bilan tirez-vous du défilé aérien qui vient de s’achever ?
Comme prévu la météo a fait l’animation, les équipages ont in fine pu se faufiler entre les grains pour rejoindre le pattern de défilé sans trop d’encombres. Mis à part les aléas météorologiques, il n’y a pas eu de difficultés particulières, les formations étaient bonnes, les timings étaient pour l’essentiel respectés, je pense que le public a pu être satisfait de la prestation des aviateurs.