Sous l’acronyme barbare RBE2 AESA se cache le radar de dernière génération de Thales. Le Radar à balayage électronique 2 plans à antenne active (« active electroniccaly scanned array ») est intégré depuis 2012 sur tous les Rafale qui sortent des usines de Dassault Aviation, aussi bien pour les forces françaises que les récents clients export. Premier chasseur européen à bénéficier de cette technologie avancée, le Rafale se dote ainsi de capacités améliorées en termes de détection, de portée et de fiabilité.
Le Journal de l’aviation a pu s’entretenir avec Bruno Carrara, directeur des activités avions de combat de Thales, afin de faire le point sur les enjeux présents et les perspectives à venir.
Quelles sont les spécificités du radar RBE2 AESA de Thales ?
La technologie AESA est une technologie qui permet de réaliser toutes les fonctions que doit réaliser un radar sur un avion de combat, à partir de composants entièrement à l’état solide et en mettant en oeuvre un balayage électronique. C’est une technologie qui met en oeuvre des composants à l’état solide, qui améliorent de manière significative la fiabilité du radar, un avantage important pour la mise en oeuvre, la maintenance et la disponibilité du matériel. Les avantages de cette technologie sont notamment la vitesse et donc la réactivité, dans un système d’armes, le Rafale, qui est confronté à des situations qui peuvent être complexes, avec beaucoup de cibles à traiter et des contraintes de temps extrêmement courtes, en combat aérien ou en combat sol-air. Avoir un capteur au centre de la capacité conduite de tir d’un système d’armes très rapide et très réactif est primordial pour la performance.
D’autre part, le fait d’avoir cette capacité de balayage électronique permet de réaliser avec le même capteur l’ensemble des fonctions des générations précédentes. Si une mission pouvait être réalisée par un type d’avion, un type d’avion ne pouvait pas réaliser l’ensemble du spectre. Grâce à cette technologie, le Rafale couvre tout le spectre des missions et remplace tous les types d’aéronefs précédents.
Où en est-on des livraisons aux forces françaises ?
Le premier radar RBE2 ASEA a été livré fin 2012 et nous avons équipé une trentaine d’avions de l’armée de l’air et de la Marine depuis 2013, qui ont été déployé sur différents théâtres. Ils sont maintenant complètement opérationnels et intégrés, conformément à nos contrats de production Rafale France. Les livraisons de radars sont actuellement suspendues au profit des pays export, mais ils doivent équiper tous les avions de la Tranche 4, soit 60 en tout. Les tranches supplémentaires seront également équipées du radar AESA. La question du retrofit des premiers Rafale livrés n’a pas en revanche pas encore été instruite ni tranchée.
Le « bond » générationnel par rapport au PESA (Passive electronically scanned array), intégré aux premiers Rafale, représente-t-il un avantage à l’export ?
C’est clairement une plus-value à l’export. Le radar est un équipement central et concourt à la polyvalence de l’avion et aux performances du système d’armes Rafale. Nous sommes les seuls, hormis les avions américains, à avoir ce type d’équipement réellement en service et en opérations. Nos concurrents (Eurofighter, Gripen, NDLR) ont effectivement cette technologie dans leur catalogue, mais elle n’est pas encore en service dans les forces armées, c’est encore dans le domaine du projet.
Suite aux contrats signés pour l’Égypte, le Qatar et l’Inde, comment s’est opérée la montée en cadence de la production ?
La montée en cadence a été anticipée dès que les négociations se sont accélérées et a été complètement déployée en 2016. Cela nous a permis de passer fin 2015 d’une capacité industrielle légèrement supérieure à un radar par mois à deux équipements par mois fin 2016, suite à des concertations avec l’ensemble des partenaires de notre supply chain. Nous avons tenu cette montée en cadence conformément aux objectifs que nous nous étions fixés. Pour 2017, il s’agit de stabiliser très solidement à deux exemplaires par mois, avec une capacité ponctuelle si nécessaire à 2,5 par mois.
En cas de commande tranche supplémentaire et si un autre contrat export l’exigeait, nous avons très clairement identifié ce qui serait nécessaire en termes de moyens et de personnels, chez Thales mais également chez nos fournisseurs, ce qu’il faudrait pour passer à la cadence supérieure. Nous avons confiance sur notre capacité à le faire, au vu des résultats sur l’année écoulée.
Quelles sont les perspectives futures pour l’activité « avions de combat » de Thales ?
En ce qui concerne l’activité France, c’est le prochain standard du Rafale, le F-3R. La plus grande partie des travaux de développement est achevée, le standard est en cours d’intégration final chez Dassault et sera livré dans les forces conformément au planning établi. Les discussions démarrent en revanche sur le contenu du standard suivant.
Plus en amont, nous travaillons sur le développement de technologies de préparation de l’avenir, en particulier sur l’antenne active et des composants de nouvelle génération. Nous exploitons aujourd’hui des composants basés sur l’arséniure de gallium, utilisé par l’ensemble des radaristes de la planète, mais développons de nouvelles versions, de nouveaux composants, basés sur le nitrure de gallium et silicium-germanium. Cela devrait permettre à terme d’améliorer les performances et d’augmenter la capacité de détection des radars et d’aller vers des solutions encore plus compactes que celles que nous avons aujourd’hui, afin de faciliter l’intégration des radars aux plateformes. Nous travaillons également sur le démonstrateur de drone de combat, sur lequel nous déploierons justement ce type de technologies.