C’en est bel et bien fini de la torpeur de l’été et les esprits sont plus qu’alertes chez Air France-KLM. Le groupe franco-néerlandais a réuni son conseil d’administration le 16 août pour prendre une décision attendue depuis plus de trois mois maintenant : nommer son nouveau directeur général. Le nom de l’actuel numéro deux d’Air Canada Benjamin Smith, évoqué depuis plusieurs jours, est désormais confirmé. Il prendra ses fonctions au plus tard le 30 septembre et a le soutien de l’Etat français. En revanche, il est loin d’avoir celui l’intersyndicale, qui n’a pas même attendu l’officialisation de la décision pour brandir la menace d’actions à la rentrée.
Benjamin Smith occupe actuellement le poste de président Transporteurs aériens et directeur de l’exploitation chez Air Canada. Il a une excellente connaissance du secteur aérien, ayant débuté sa carrière dans le secteur en 1990 chez Air Ontario. Après avoir rejoint Air Canada en 2002 en tant que directeur délégué de Tango – dont il a participé au lancement -, il est membre de son comité de direction en 2007. Il a notamment lancé Air Canada Rouge, a négocié puis conclu des accords historiques de dix ans avec les syndicats représentatifs des pilotes et du personnel navigant commercial, et supervise désormais les domaines du service à la clientèle, des affaires commerciales et de l’exploitation d’Air Canada tout en dessinant la stratégie de marché actuelle de la compagnie. Possédant donc de vastes compétences dans l’aérien, le management et une vision internationale, il semble faire partie des profils idéaux pour diriger le groupe franco-néerlandais.
Son seul défaut est sa nationalité. Du moins aux yeux de l’intersyndicale d’Air France, qui estime « inconcevable que la compagnie Air France, française depuis 1933, tombe dans les mains d’un dirigeant étranger dont la candidature serait poussée par un groupe industriel concurrent (Delta Air Lines pour ne pas le citer) » dans un communiqué diffusé en amont du conseil d’administration. Le regroupement de neuf syndicats craint que Benjamin Smith ne s’attache pas à défendre « les intérêts de notre compagnie nationale » et n’ait pas une connaissance suffisante des spécificités du dialogue social français…
Effectivement, depuis sa création en 2004, le groupe Air France-KLM est dirigé par un Français et l’idée-même de nommer Pieter Elbers, le dirigeant de KLM, à sa tête faisait déjà grincer les dents chez Air France. La nomination de Benjamin Smith est donc une petite révolution dans le groupe. Mais elle devra faire face à l’hostilité d’une partie des syndicats côté français qui semble se refuser à aller chercher des compétences hors de l’Hexagone, comme en témoigne un communiqué du SNPL le 8 août disant que « dans un contexte où la partie française du groupe se montre très affaiblie par l’échec de son dialogue avec le corps social, Américains et Néerlandais se retrouvent en position de force au sein du Conseil d’administration », oubliant qu’ils sont surtout des alliés. Les noms de Thierry Antinori ou Pascal de Izaguirre étaient fréquemment ressortis parmi les favoris des syndicats.
Par ailleurs, outre une nomination en catimini décidée la semaine du 15 août, l’intersyndicale dénonce l’augmentation de la rémunération qui a été consentie pour attirer Benjamin Smith, quand le déblocage des salaires est le coeur du conflit chez Air France. Son salaire pourrait atteindre 3,3 millions d’euros annuels, soit trois fois plus que ce que gagnait son prédécesseur Jean-Marc Janaillac.
L’intersyndicale prévoit donc désormais de se réunir le 27 août pour déterminer les actions qu’elle va mener à la rentrée pour obtenir le déblocage des salaires, dans des conditions tout autres que celles que Jean-Marc Janaillac avait préconisées et qui avaient menées à une grève perlée de quinze jours, à son désaveu par les salariés et à sa démission le 4 mai.