Après avoir exhorté les gouvernements et les acteurs financiers à voler à l’aide des compagnies aériennes par tous les moyens, l’IATA nuance sa position. Une analyse plus détaillée de la nature des aides reçues a poussé l’association à s’inquiéter de l’une des conséquences de ce sauvetage, par ailleurs indispensable : le niveau d’endettement à venir. Elle estime que celui-ci va augmenter de 28% d’ici la fin de l’année par rapport au début de 2020, soit de 120 milliards de dollars, ce qui risque de peser sur la capacité des transporteurs à rebondir aussi rapidement que possible.
A ce jour, 123 milliards de dollars ont été débloqués par plusieurs gouvernements dans le monde pour venir en aide au secteur et éviter au maximum les faillites. Ce soutien a été apporté sous des formes variées mais 54%, soit 67 milliards de dollars, créeront de nouvelles dettes car ils consistent en prêts, reports de taxes et garantie sur les prêts. A cela s’ajoutent les soutiens de source commerciales (banques, sociétés de leasing…) pour un montant de 52 milliards de dollars.
En ce qui concerne les aides gouvernementales, elles sont « réparties de manière très inégale dans le monde » et à l’intérieur-même des régions, constate Brian Pearce, chef économiste de l’IATA, et sont très limitées voire inexistantes dans les pays en voie de développement. Les gouvernements d’Amérique du Nord ont ainsi apporté un soutien à leurs compagnies équivalant à 25% de leurs recettes opérationnelles en 2019 (avec une très grande disparité entre les Etats-Unis et le Canada, grâce au CARES Act). Pour l’Europe, la proportion est de 15% et pour l’Asie Pacifique de 10% (portée par un soutien très important de Singapour et, dans une bien moindre mesure, du Japon et de la Corée du Sud). En revanche, les transporteurs d’Amérique latine et de la région Afrique / Moyen-Orient ne peuvent compter que sur eux-mêmes, avec une aide moyenne n’atteignant pas 1% du chiffre d’affaires 2019.
Sur les dix plus grands marchés aériens mondiaux, le pays où le soutien du gouvernement est le plus fort est la France : l’aide dépasse 36% du niveau du prix unitaire du billet en 2019 – les Etats-Unis étant juste derrière avec 32,7%. Le pays a en effet fait un effort de 7 milliards d’euros en faveur du groupe Air France-KLM, ce à quoi s’ajoutent notamment les mesures de chômage partiel ou les prêts garantis par l’Etat d’Aircalin et Air Tahiti Nui. Un soutien supplémentaire est prévu en faveur des autres compagnies – le SCARA estime qu’il devrait atteindre un milliard d’euros pour éviter toute distorsion de concurrence avec Air France.
L’IATA loue tous les soutiens qui ont été apportés jusqu’à présent puisqu’ils évitent des faillites imminentes et l’effondrement du secteur. Mais elle prévient qu’un autre problème s’est créé à plus long terme : « le prochain défi consistera à empêcher les compagnies aériennes de sombrer sous le poids de la dette que l’aide crée », résume Alexandre de Juniac, son directeur général. Plus regardant, il appelle également les prochains Etats désireux d’agir de se concentrer sur l’augmentation des fonds propres de leurs compagnies. L’augmentation du niveau d’endettement de l’industrie fait en effet peser le risque que le redressement soit ralenti et que les effets de la crise soient prolongés au-delà de la période qu’il faudra à la demande pour revenir, d’autant que les nouvelles mesures sanitaires augmenteront les coûts. Tel est le prix de la survie.