Dans une nouvelle analyse orientée spécifiquement sur le marché européen, l’IATA a de nouveau voulu rappeler l’importance du transport aérien pour l’économie du continent, pour inciter les gouvernements à soutenir ses acteurs. Et cette fois, l’association a donné des estimations plus détaillées, marché par marché, de la crise actuelle.
Les chiffres globaux pour l’Europe avaient déjà été révélés et montré qu’elle serait la région la plus touchée du monde par la crise. Alors que les capacités sont au plus bas avec moins de 20% de vols assurés par rapport à un programme de vols normal (5 800 le 25 mars contre près de 30 000 l’année précédente), le vieux continent risque de perdre 46% de trafic en 2020 par rapport à 2019 et 76 millions de dollars de chiffre d’affaires. Or l’industrie alimente 12,2 millions d’emplois et génère 823 milliards de dollars de PIB.
En ce qui concerne la France, les compagnies pourraient faire une croix sur 65 millions de passagers – l’équivalent de sa population et alors que l’Union des aéroports français en avait compté 214 millions en 2019 – et 12 milliards de dollars de chiffre d’affaires sur l’année. Rafael Schvartzman, vice-président régional de l’IATA pour l’Europe, indique que cela met en danger 318 000 emplois et 28,5 millions de contribution à l’économie. Un fait dont l’Etat est conscient puisque Bruno Lemaire, le ministre de l’Economie, a indiqué plus tôt dans la semaine qu’il réfléchissait aux mesures qui seraient prises pour soutenir Air France. A ce propos, l’Union nationale des compagnies aériennes françaises (UNCAF) a soulevé que les petites et moyennes compagnies aériennes se sentent exclues des mesures envisagées, alors qu’elles avaient également besoin d’aide.
Les autres grands pays européens pourraient être encore plus durement touchés, Royaume-Uni en tête. Bien qu’il ait obtenu un sursis lorsque les Etats-Unis ont fermé leurs frontières aux vols européens, son transport aérien pourrait perdre 113,5 millions de passagers et 21,7 milliards de dollars de recettes en 2020. Pourtant le Premier ministre Boris Johnson ne compte pas lui venir en aide tout de suite, préférant qu’il cherche d’abord des solutions ailleurs.
Les autres pays les plus touchés sont l’Espagne, l’Allemagne et l’Italie – dans l’ordre. Le gouvernement italien a déjà fait un pas pour soutenir son transport aérien puisqu’il a annoncé le déblocage d’une aide de 600 millions d’euros, qui sera principalement utilisée pour sauver de nouveau Alitalia. D’autres pays se sont engagés aussi, comme la Suède et le Danemark en faveur de SAS, la Norvège et l’Espagne.
Mais l’IATA demande une aide plus conséquente pour éviter que les compagnies ne sombrent dans une crise dont elles ne pourront pas se sortir, et pas seulement aux gouvernements ni à l’Union européenne, mais aussi aux investisseurs. Rafael Schvartzman met en avant qu’elles sont de gros employeurs en Europe, qu’elles paient beaucoup de taxes qui profitent aux gouvernements et qu’elles ont moteurs de la croissance. Il souligne que si une compagnie fait faillite, elle ne peut pas être relancée rapidement : elle doit d’abord se doter d’avions, d’équipages, obtenir des droits et des certifications… Autant d’éléments qui prennent du temps et retardent la reprise économique là où elle était basée.
Le plus urgent pour le moment est d’assouplir la régulation sur les compensations aux passagers (EU261) en autorisant les compagnies à émettre des avoirs sur les vols annulés et non des remboursements immédiats, pour protéger les liquidités. L’IATA demande également à nouveau de faciliter les activités cargo en accélérant les procédures pour obtenir des droits de survol et d’atterrissage, en supprimant certaines contraintes économiques et la mise en quarantaine systématique des équipages puisqu’ils ne croisent pas les autres opérateurs.
En attendant, le Parlement et le Conseil européen ont accepté d’étendre la suspension de la règle d’utilisation des slots jusqu’au 24 octobre.