Après avoir accepté un report de six semaines à la demande de la FAA, les opérateurs de télécommunications américains Verizon et AT&T ont activé leurs antennes 5G sur 46 marchés aux Etats-Unis le 19 janvier. Toutes ? Non. Face aux inquiétudes de la FAA et des compagnies aériennes, certaines sont temporairement restées inactives. Des questions continuent en effet de se poser autour de la sécurité des vols, la fréquence et la puissance des émissions pouvant perturber le fonctionnement des radioaltimètres de certains appareils, ce qui peut notamment poser des problèmes dans le cadre des atterrissages par visibilité réduite.
De son côté, la FAA continue d’évaluer les différents types de radioaltimètres pour déterminer lesquels peuvent fonctionner en toute sécurité, s’il faudra remplacer certains modèles, et comment leurs données sont utilisées par les autres systèmes de contrôle de vol. Actuellement, l’agence a approuvé les opérations des appareils équipés de cinq modèles de radioaltimètres, permettant à 62% de la flotte américaine d’effectuer des atterrissages à faible visibilité dans les aéroports à proximité desquels la 5G a été déployée.
Quasiment tous les types d’avions Airbus et Boeing peuvent être équipés de ces modèles. En revanche, la FAA a alerté les opérateurs de 787 qu’ils « devraient prendre des précautions supplémentaires lorsqu’ils atterrissent sur des pistes mouillées ou enneigées dans des aéroports où le service 5G en bande C est déployé. […] Les interférences de la 5G avec le radioaltimètre de l’avion pourraient empêcher les systèmes de moteur et de freinage de passer en mode d’atterrissage, ce qui pourrait empêcher un avion de s’arrêter sur la piste. »
Un problème de fréquences
L’une des inquiétudes porte sur la proximité des fréquences attribuées à la 5G, entre 3,7 et 3,98 gigahertz, et celles utilisées par les radioaltimètres, entre 4,2 et 4,4 gigahertz. Les acteurs du transport aérien américain craignent que le rapprochement des fréquences ne crée des interférences aux alentours des aéroports et, surtout, que la puissance des émissions des antennes 5G ne brouille celle, plus réduite, de ces équipements.
Par la voix de leur syndicat A4A (Airlines for America), les compagnies aériennes ont alerté les autorités des risques encourus par l’économie américaine si la 5G était déployée sans restriction le 19 janvier. Alors ces restrictions devraient s’appliquer aux aéroports et aux compagnies aériennes, entraînant annulations, déroutements ou retards pour plus d’un millier de vols quotidiens, affectant 100 000 passagers. Elles ne concerneraient d’ailleurs pas uniquement les opérations par mauvaises conditions météorologiques puisque d’autres systèmes de sécurité et de navigation reposent sur les données des radioaltimètres.
« Les répercussions sur les opérations de transport de passagers et de fret, sur notre main-d’oeuvre et sur l’économie en général sont tout simplement incalculables », s’est alarmé A4A le 17 janvier. « Chacun des transporteurs de passagers et de fret aura du mal à acheminer les personnes, les cargaisons, les avions et les équipages là où ils doivent être. Le commerce de la nation sera paralysé. »
Des zones tampons autour des grands aéroports américains
Pour laisser le temps à la FAA d’évaluer les risques, de délivrer d’autres autorisations et de déterminer les mesures à prendre pour protéger les opérations aériennes (notamment remplacer les radioaltimètres les plus vulnérables), les opérateurs de télécommunications se sont résignés à attendre encore, sans cacher leur mécontentement. AT&T reconnaît par exemple être « frustrés par l’incapacité de la FAA à faire ce que près de 40 pays ont fait, à savoir déployer la technologie 5G en toute sécurité sans perturber les services d’aviation », Verizon appuyant en rappelant que le secteur avait eu deux ans pour se pencher sur la question. En attendant, les antennes situées à moins de deux miles (3,2 km) des pistes restent endormies.
Ce tampon de sécurité permet d’augmenter le nombre des aéroports accessibles aux atterrissages à basse visibilité par les avions dont les altimètres ont été autorisés (88 sont concernés par le problème d’interférence potentielle, dont les plus grands aéroports comme ceux de New York, Los Angeles, San Francisco, Chicago, Dallas…).
La Maison Blanche a salué cette concession exaspérée. « Cet accord permettra d’éviter des perturbations potentiellement dévastatrices pour le transport de passagers, les opérations de fret et notre reprise économique, tout en permettant à plus de 90 % du déploiement des pylônes sans fil de se dérouler comme prévu. Cet accord protège la sécurité des vols et permet aux opérations aériennes de se poursuivre sans perturbation importante […] », indique-t-elle dans un communiqué.
Un déploiement pas assez préparé ?
Si les opérateurs de télécommunication se plaignent de l’impréparation du secteur aérien, ils pâtissent également d’un manque de cadre dans le déploiement de leur réseau, sans que des restrictions suffisantes aient été imposées pour les opérations à proximité des aéroports.
Lorsque AT&T reproche à la FAA de ne pas être à la hauteur des autres pays déjà couverts par la 5G, l’agence explique que le déploiement s’est fait différemment ailleurs, notamment en termes d’attribution de fréquences, de placements des antennes par rapport aux zones aéroportuaires ou de limitation de puissance du signal.
L’agence compare notamment les Etats-Unis avec la France. La France a mis en place de façon permanente une zone tampon couvrant les 96 dernières secondes de vol, alors qu’elle ne couvre que 20 secondes de vol de façon temporaire (pour six mois) aux Etats-Unis. Par ailleurs, les niveaux de puissance prévus aux Etats-Unis, provisoirement limités qui plus est, sont 2,5 fois plus élevés qu’en France (1 585 watts contre 631 watts). Enfin, le gouvernement français a exigé que les antennes soient inclinées vers le bas pour limiter les interférences, exigence qui n’a pas été posée par le gouvernement américain au moment de l’attribution des contrats.