Lufthansa a gagné du temps et des marges de manoeuvre. Le groupe allemand a réussi à faire approuver le « plan de stabilisation » conclu avec le gouvernement allemand par l’Union européenne et par 98% de ses actionnaires, réunis en assemblée générale extraordinaire, le 25 juin. Il va ainsi pouvoir compter sur des aides pour un montant de 9 milliards d’euros qui, accompagnées d’un lourd plan de restructuration, lui permettront de se sortir de la crise.
Le groupe est en effet mal en point. « Nous n’avons plus d’argent », a assené Karl-Ludwig Kley, le président de son conseil de surveillance. Malgré la reprise progressive de l’activité au sein de l’Europe depuis quelques jours, 80% de la flotte reste clouée au sol et elle ne devrait reprendre du service que très lentement, tandis que le groupe estime toujours se sortir de la crise avec une taille réduite d’une centaine d’appareils.
Le plan de stabilisation a été conclu au bout de longues semaines de négociations intenses et difficiles. Plusieurs points les ont rendues difficiles : Lufthansa ne voulait pas d’une intervention de l’Etat dans sa stratégie (ce qu’il est parvenu à éviter), ni ne souhaitait céder des slots sur ses hubs. Par ailleurs, son actionnaire principal, Heinz Hermann Thiele, menaçait jusqu’au 24 juin au soir de voter contre le plan de sauvetage, au risque de faire sombrer Lufthansa.
Ce plan prévoit une recapitalisation du groupe à hauteur de 6 milliards d’euros par l’Allemagne – via une prise de participation de 20% pour 300 millions d’euros, une participation tacite de 4,7 milliards d’euros avec les caractéristiques d’un instrument de fonds propres non convertible et une participation tacite d’un milliard d’euros qui a les caractéristiques d’un instrument d’emprunt convertible, le tout financé par le fonds de stabilisation économique mis en place par l’Allemagne dans le cadre de la crise du covid-19. A cela s’ajout un prêt garanti par l’Etat de 3 milliards d’euros.
L’Union européenne a posé des conditions à l’acceptation de ce plan de sauvetage. Il doit être assorti d’un plan de restructuration qui doit être présenté d’ici un an et prévoir la sortie de l’Etat d’ici 2026, après que le prêt et les instruments de recapitalisation auront été remboursés. L’UE exige également une interdiction de dividendes et de rachats d’actions, ainsi qu’une limitation de la rémunération des membres de leur direction. Enfin, elle a contraint Lufthansa à céder jusqu’à 24 créneaux par jour dans ses hubs de Francfort et Munich.
« Le plan de sauvetage ne suffira pas. Nous allons devoir nous restructurer profondément »
Si la restructuration fait partie des conditions de l’approbation de l’Union européenne, le groupe Lufthansa est bien conscient qu’il va devoir se plier à l’exercice. Carsten Spohr, son PDG, l’avait évoqué dès le mois de mars, lorsqu’il avait annoncé que Lufthansa ressortirait amoindri de la crise. Depuis, le groupe a avancé sur quelques points et a notamment indiqué qu’il allait devoir supprimer 22 000 postes / équivalents temps plein – soit 16% de ses effectifs dans le monde. Il réfléchit également à la physionomie qu’aura sa flotte dans les prochaines années et a annoncé dès avril que six de ses A380 ne revoleraient pas, ainsi que plusieurs A340 (-300 et -600), 747-400 et A320.
Il mène actuellement des négociations avec ses syndicats pour parvenir à baisser ses coûts. Le syndicat UFO, qui représente ses PNC, a signé un accord avec la direction le 24 juin, qui va permettre au groupe de réaliser des économies de l’ordre de plus de 500 millions d’euros, soit 17%. Il compte notamment des mesures de suspension des augmentations de salaire et de réduction des heures de vol, ainsi que des congés non payés. L’objectif est de limiter autant que possible les licenciements.
Les négociations sont également en bonne voie avec Vereinigung Cockpit, qui représente des PNT. En revanche, Carsten Spohr a regretté que les discussions soient plus difficiles avec Verdi.