Air France a tout perdu : son temps, ses clients, son élan et maintenant son patron. Alors que la rentabilité de la compagnie reste loin derrière celle de sa partenaire KLM et de ses concurrentes, les salariés ont voté contre la proposition d’accord salarial que la direction avait soumise en avril. La consultation, ouverte du 26 avril au 4 mai, a enregistré une participation de 80,33% et le non l’a emporté à 55,44%.
Jean-Marc Janaillac, le PDG d’Air France-KLM, avait décidé de cette consultation pour tenter de stopper les grèves – treize jours qui ont déjà fait perdre 300 millions d’euros à la compagnie. La proposition consistait en une augmentation salariale de 7% sur quatre ans dont 2% dès 2018. Elle est retirée.
Il avait également déclaré qu’ « il tirerait toutes les conséquences » en cas de refus. Les conseils d’administration d’Air France-KLM et d’Air France seront convoqués le 5 mai et il leur remettra alors formellement sa démission.
Si Franck Terner, le directeur général d’Air France, et ses équipes veilleront au bon fonctionnement de la compagnie durant la période de transition durant laquelle la direction du groupe va devoir être remaniée, celui-ci entre tout de même dans une période de flottement. Cela ne risque pas de rassurer les salariés de KLM, déjà consternés par des grèves sur lesquelles ils n’ont aucune maîtrise mais dont ils subissent une partie des conséquences.
Cela va surtout ralentir encore Air France. Car IAG, Lufthansa, easyJet et consorts ne risquent pas d’attendre que le groupe se reprenne en main pour poursuivre leur développement.
Salariés « pas dupes »
Les dix organisations de pilotes (SNPL, Spaf, Alter), d’hôtesses et stewards (SNPNC, Unsa-PNC, CFTC, SNGAF) et de personnels au sol (CGT, FO et SUD) qui la composent réclament 5,1% d’augmentation en 2018 (+3,8% en avril et +1,3% en octobre) au titre d’un « rattrapage » nécessaire, après six ans de gel des grilles salariales.
Sollicités par l’AFP, des représentants de l’intersyndicale se sont félicités du résultat de la consultation et de la participation.
C’est une « grosse satisfaction, même si nous ne validons pas le procédé », a commenté Christophe Campestre, porte-parole du deuxième syndicat de pilotes à Air France, le Spaf. « Ca nous redonne de la légitimité, à l’inverse du but recherché par la direction », selon lui.
« Tout le monde s’est senti concerné » par le vote et « les salariés n’ont pas été dupes », ces derniers réclamant une forte augmentation salariale dès 2018 et non un accord pluriannuel, a ajouté Jérôme Beaurain de SUD-Aérien.
Selon lui, « le système Gateau (du nom du DRH d’Air France Gilles Gateau, NDLR) s’écroule complètement », alors que l’intersyndicale n’a « pas demandé la démission » de Jean-Marc Janaillac.
Du côté des non-grévistes, la CFDT a affirmé que le départ du PDG « augure d’une période trouble pour notre compagnie et d’une grave crise de gouvernance dont Air France n’a pas les moyens, eu égard à l’environnement économique et concurrentiel dans lequel elle évolue. »
« La CFDT entend l’avis exprimé par une majorité de salariés et ne signera donc pas l’accord salarial pluriannuel proposé », précise-t-elle dans un communiqué.