Stelios Haji-Ioannou, l’actionnaire principal d’easyJet, a toujours vu d’un mauvais oeil les commandes massives de la compagnie auprès d’Airbus. Mais la crise actuelle a rendu son opposition encore plus virulente et pourrait rendre ses actions plus efficaces. Après avoir en vain demandé le départ de l’un des directeurs non-exécutifs, il réclame désormais sa tête, celle du directeur financier et, toujours, l’annulation d’une commande pour 107 appareils de la famille A320neo.
Selon lui, ce contrat d’une valeur de 4,5 milliards de livres sterling (5,13 milliards d’euros) est « inutile », dans un contexte où la compagnie est immobilisée et devra prendre des mesures de réduction de sa flotte plutôt que d’augmentation. Par ailleurs, les échéances payables à Airbus vont avoisiner 1,35 milliard de livres dans les prochains mois, alors qu’easyJet aura désespérément besoin de liquidités. L’annulation du contrat permettrait de protéger la trésorerie du groupe et éviterait à la compagnie de recourir à « l’argent du contribuable » – easyJet a obtenu un prêt de 600 millions de livres auprès du gouvernement britannique au titre de la facilité de financement des entreprises face au covid-19 mise en place par le ministère des Finances et la Bank of England. Stelios Haji-Ioannou précise que lui-même n’injectera pas un penny dans la compagnie tant que le contrat restera en vigueur.
Il sous-entend que le refus d’easyJet de l’annuler et d’accéder à sa demande d’assemblée générale extraordinaire pour démettre Andreas Bierwirth, directeur non-exécutif qu’il juge trop proche d’Airbus, de ses fonctions vient du fait que la direction est impliquée dans l’ancienne affaire de corruption liée à l’avionneur. Il réclame désormais également la destitution d’Andrew Finlay, le directeur financier, et a de nouveau demandé le 8 avril l’organisation d’une assemblée générale.
Il souligne par ailleurs que, selon les estimations du Crédit Suisse, easyJet sera à cours de liquidités autour du mois d’août, puisqu’il prévoit un bilan négatif de 164 millions de livres en septembre. L’annulation du contrat Airbus permettrait de repousser cette échéance, qu’il juge déjà extrêmement optimiste. Accusant le groupe bancaire de complicité avec la direction, il souligne que cette estimation se base sur des prévisions irréalistes, à savoir que les vols reprendront au mois de juin, qu’easyJet réalisera 1,5 milliard de livres de chiffre d’affaires cet été, que toute la flotte sera de nouveau en service en octobre et que le bénéfice de 2021 dépassera celui de 2019. « C’est du pur fantasme », tranche-t-il, alors qu’on ignore encore les modalités de réouverture des frontières, que le comportement des passagers risque d’être complètement modifié et que la reprise interviendra avec l’arrivée de la saison hiver, la plus difficile.