Mise à jour : les Pays-Bas ont depuis porté leur participation à 14% et ont indiqué qu’ils allaient en rester là.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Air France-KLM ne semble pas déborder d’enthousiasme face à l’entrée de l’Etat néerlandais dans son capital. Le groupe a réagi le 27 février en affirmant que son « Conseil d’administration sera très vigilant sur les conséquences de cette prise de participation pour le groupe, ses collaborateurs, sa gouvernance et la perception du marché ». L’acquisition s’est en effet faite « sans concertation », ni avec le conseil d’administration, ni avec le gouvernement français. Celui-ci, la qualifiant d’« inamicale », demande des explications.
Le ministre néerlandais des Finances Wopke Hoekstra a créé la surprise le 26 février en annonçant à son Parlement que l’Etat avait acquis 12,68% de participation dans le groupe franco-néerlandais, en devenant le deuxième actionnaire. Son objectif est d’avoir une position similaire à celle de l’Etat français (14,3%) pour pouvoir exercer une influence directe sur les futurs développements du groupe et s’assurer que les intérêts publics néerlandais sont préservés. Il estime en effet que les décisions stratégiques concernant l’avenir de KLM sont de plus en plus prises à l’échelle du groupe.
L’escalade
Elle montre surtout que la tension de ces dernières semaines au sujet de la gouvernance est loin d’être retombée, comme l’accord conclu le 19 février avait pu le laisser croire. Il entérinait le renouvellement du mandat de Pieter Elbers en tant que directeur général de KLM et la création d’un CEO Committee dirigé par Benjamin Smith et également composé de Pieter Elbers, Anne Rigail et Frédéric Gagey.
Mais il actait également l’entrée de Benjamin Smith au Conseil de surveillance de KLM, ce à quoi la compagnie néerlandaise avait toujours été farouchement opposée au nom de son autonomie, même si cette organisation paraissait parfaitement normale au directeur général du groupe lorsqu’il l’a évoquée lors de la présentation des résultats annuels.
Il faut croire que cela n’allait pas tant que ça de soi… C’est en effet juste après cette décision que le gouvernement néerlandais commencé à discrètement constituer son portefeuille (dès le 20 février).
L’enjeu de l’avenir du hub de Schiphol
Le Conseil d’administration d’Air France-KLM a regretté cette mesure, soulignant que la nouvelle organisation avait été approuvée à l’unanimité et que « le groupe s’apprêtait également à confirmer ses engagements vis-à-vis de l’Etat néerlandais visant à renforcer le développement de Schiphol comme hub européen et soutenir le développement de KLM », les objectifs-mêmes que Wopke Hoekstra a exposés. Le gouvernement néerlandais craint en effet un affaiblissement de la position de KLM au sein du groupe et du hub de Schiphol, alors que depuis plusieurs années, les salariés d’Air France protestent au contraire face à certaines actions qu’ils ont considérées souvent comme un développement favorisé de KLM par rapport à Air France, parfois comme des transferts d’activité de la France vers les Pays-Bas.
La préservation de la plate-forme de Schiphol avait fait l’objet d’un protocole d’accord négocié par Air France-KLM avec les autorités néerlandaises. Le ministère de l’Economie et des Finances français indique que « pour l’instant, il va être mis de côté ».
Deux visions opposées
Ce n’est que la première scène d’un nouvel acte annoncé de turbulences à la tête d’Air France-KLM. Car si l’Etat néerlandais affirme que sa prise de participation « veut montrer qu’il croit en la collaboration entre Air France et KLM et dans le partenariat stratégique avec la France au sujet de cette compagnie », il risque surtout de pimenter les débats du conseil d’administration. Il s’est en effet résolument engagé aux côtés de Pieter Elbers lorsque son poste était menacé et en faveur de sa vision de l’organisation du groupe, qui consiste à défendre l’autonomie de KLM.
Or l’Etat français a donné son soutien à la vision stratégique de Benjamin Smith. Lui plaide en faveur d’une plus importante intégration pour renforcer la cohésion et dégager davantage de synergies.
Le Président Emmanuel Macron et son ministre de l’Economie Bruno Lemaire attendent maintenant les explications des Pays-Bas et l’assurance que le seul objectif sera de renforcer la compétitivité de la compagnie.