Hervé Floch n’en doute pas une seconde, la photonique est une source d’innovations de rupture pour l’aéronautique. Le directeur général du pôle de compétitivité ALPHA – Route des Lasers & des Hyperfréquences (ALPHA-RLH) y voit de nombreuses applications possibles pour les capteurs et les technologies embarquées, mais aussi dans le secteur clef de la maintenance : « L’aéronautique est un formidable marché pour valoriser les innovations technologiques de la photonique » (voir encadré). Fort de cette conviction, il se consacre depuis près de deux ans au projet SAPHyR, afin de développer puis d’industrialiser ces innovations.
SAPHyR, acronyme de Système aéronautique photonique hyperfréquence en région, a été lancé par le pôle ALPHA-RLH en mai en 2017, avant d’être présenté lors du salon du Bourget un mois plus tard. Il a pour objectif de structurer un travail de R&D dans la photonique et les hyperfréquences en vue d’applications aéronautiques à travers la mise au point de prototypes. Ceux-ci seront présentés lors de l’édition 2019 du salon du Bourget.
Un réel engouement s’est créé autour de ce programme à en croire Hervé Floch, qui annonce qu’une cinquantaine de projets avaient été recensés à la fin de l’année 2017. « Nous ne pouvions pas tous les emmener au salon du Bourget 2019, poursuit-il. Nous en avons donc sélectionné une dizaine. » Ceux-ci sont désormais en cours de réalisation au sein d’équipes-projets, qui regroupent différents acteurs tels que des laboratoires, des grands groupes et des PME.
Pour mener ces projets à bien et donc jusqu’au prototypage, le pôle ALPHA-RLH a reçu le soutien de la région Nouvelle-Aquitaine afin d’assurer le cofinancement du budget, dont le total atteint quelques millions d’euros. Il s’est lui-même positionné comme maître d’ouvrage de SAPHyR et s’est appuyé sur le cabinet toulousain Pegase SAS pour la maîtrise d’oeuvre avec l’assistance du groupe Radiall, spécialisé dans la connectique.
Un accélérateur en préparation
« Ce projet ne s’arrêtera pas là, espère Hervé Floch. Notre objectif est de mettre en place un accélérateur d’innovation dans la photonique et les hyperfréquences pour l’aéronautique. Si nous regardons l’innovation technologique aujourd’hui, c’est un élément important de la chaîne de valeur de notre pôle, qui va des composants jusqu’aux systèmes. Cependant, ce n’est pas suffisant : si vous n’avez pas la capacité d’obtenir l’adhésion des avionneurs et des grands équipementiers, il n’y a pas d’avenir industriel. »
Et Hervé Floch a déjà quelques idées sur la façon de résoudre ce problème : « Je souhaiterais que cet accélérateur SAPHyR s’apparente à un pacte d’actionnaires qui regrouperait de grands donneurs d’ordres aéronautiques et la puissance publique régionale, dont l’objectif serait de permettre l’émergence rapide et agile d’innovations à base de photonique, ainsi que d’électronique, afin d’accélérer leur pénétration dans le marché de l’aéronautique. C’est ce qui manque aujourd’hui. »
« Il devra être réactif et bien capitalisé, avec un actionnariat public-privé de préférence et pouvoir taper fort avec un budget d’au moins une dizaine de millions d’euros », poursuit-il. Il compte pour cela sur les « grands noms » de la région tels que Dassault Aviation, Thales, Safran, ArianeGroup côté privé, qui affichent selon lui un réel intérêt pour un tel accélérateur, et sur la région Nouvelle-Aquitaine ou encore le Commissariat à l’Énergie atomique et aux Énergies alternatives (CEA) côté public.
Hervé Floch veut ainsi pouvoir financer rapidement des projets jugés innovants, précisant qu’il ne s’agira pas de faciliter l’innovation incrémentale mais bien de l’innovation de rupture. Il espère que cette proximité des acteurs pourra créer un effet d’entraînement et faire émerger de véritables applications industrielles à partir du foisonnement de projets créés dans les TPE et PME, qui n’ont pas les moyens ou les outils pour les faire aboutir seules.
Hervé Floch lors de son intervention à ADS Show. © ALPHA-RLH
Une ambition nationale
Le directeur général d’ALPHA-RLH compte aussi sur l’aide du pôle de compétitivité Aerospace Valley, avec qui un partenariat a été signé en 2015 et renouvelé en 2017 au salon du Bourget. Bien qu’il ne fasse pas partie de la phase actuelle du projet, des discussions ont déjà été engagées sur l’étape à venir : « Nous avons prévu ensemble de travailler ce concept d’accélérateur SAPHyR avec eux. Ils connaissent bien le marché de l’aéronautique, ils ont une meilleure sensibilité économique et un réseau plus adapté que nous. »
Et Hervé Floch n’hésite pas à regarder l’étape suivante : « cet accélérateur va naître en région, mais il ne devra pas rester enfermé au niveau régional. Au vu de ses ambitions, cette structure aura très rapidement des connexions au niveau national, et peut-être même au-delà dans le futur. »
Si l’homme affiche un tel engouement, c’est aussi parce que les enjeux dépassent le projet en lui-même. Cet accélérateur d’innovation pourrait en effet peser dans la balance au moment où le Comité de sélection pour la phase IV (2019-2022) du programme des pôles de compétitivité étudie les dossiers de candidature. ALPHA-RLH, mais aussi Aerospace Valley, ont ainsi inscrit SAPHyR parmi les projets qui structureront leur travail sur les prochaines années, à condition bien sûr d’être choisis pour faire partie de cette nouvelle phase.